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Préambule
Les peuples autochtones ont des droits constitutionnels énoncés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et affirme les droits ancestraux (inhérents) et les droits issus de traités. Nous sommes conscients que la colonisation historique et continue de l’environnement, des ressources naturelles et des terres autochtones ont eu un impact négatif sur les droits des peuples autochtones. L’Agence d’évaluation d’impact du Canada (l’AEIC) est tenue, en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI), de :
- promouvoir la collaboration avec les peuples autochtones du Canada en ce qui concerne les évaluations d’impact;
- veiller au respect des droits des peuples autochtones du Canada, tels qu’ils sont reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, pendant des évaluations d’impact et de la prise de décisions au titre de la LEI.
L’AEIC a souligné le rôle important des Autochtones dans les processus d’évaluation d’impact, ainsi que le fait que ces processus doivent reconnaître et respecter les lois, les coutumes et les processus de gouvernance des Autochtones. Les processus d’évaluation doivent également s’inspirer des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Déclaration des Nations Unies), et s’harmoniser avec ces publications.
Le Comité consultatif autochtone tient à saluer l’engagement et le travail acharné du Cercle d’experts autochtones et du personnel de l’AEIC dans le cadre de la rédaction du présent document de travail. Nous reconnaissons en outre que ce document représente un point de départ pour un dialogue, et nous soutenons fermement la mobilisation des peuples autochtones sur les questions et les approches soulevées par les sujets abordés dans le document. L’objectif de ce document est de susciter une discussion et d’obtenir une réponse concernant la manière dont l’AEIC peut coopérer avec les Autochtones dans le contexte des évaluations d’impact. Nous pensons que cette discussion est essentielle à l’exercice de l’autodétermination des peuples autochtones et à la progression de la réconciliation économique au Canada, conformément à la Déclaration des Nations Unies et aux engagements pris par le gouvernement du Canada à l’égard des peuples autochtones au Canada.
Table des matières
- 2.1 Qui peut conclure une entente de coadministration avec le ministre?
- 2.2 Dans quels cas les ententes de coadministration s’appliqueraient-elles?
3. Partage de la prise de décisions dans l’évaluation d’impact
- 3.1 Questions/objectifs/possibilités
- 3.2 Rôles potentiels
- 3.3 Commissions
- 3.4 Collaboration et coordination avec d’autres processus d’évaluation
4. Cadre réglementaire et stratégique
- 6.1 Exigences en matière de capacité
- 6.2 Ressources appropriées
- 6.3 Options de soutien de la préparation
Annexe A – Guide de discussion
Annexe B – Membres du Cercle d’experts
Glossaire
Terme, abréviation ou acronyme | Définition |
AEIC |
Agence d’évaluation d’impact du Canada. |
Cercle |
Le Cercle d’experts est un sous-comité du Comité consultatif autochtone de l’Agence d’évaluation d’impact mis en place pour élaborer conjointement le présent document de travail. |
Collaboration |
Ce terme désigne les nombreuses possibilités existantes en vertu de la LEI, pour l’AEIC et les groupes autochtones, de travailler en partenariat à la réalisation de certaines parties d’une évaluation d’impact, sans qu’il soit nécessaire de conclure une entente de coadministration au titre de l’alinéa 114(1)d) ou e), ou de règlements. Dans la plupart des cas, l’AEIC demeure responsable de la coordination du processus, de la préparation des documents finaux, et du respect des délais. La plupart des ententes de collaboration sont spécifiques à un projet. |
Conseil de cogestion |
Dans le présent document, il s’agit d’une commission chargée de l’examen de la cogestion établie dans le cadre d’une entente sur des revendications territoriales, et dont le mandat est lié à l’évaluation environnementale. Il existe plusieurs conseils de cogestion dans le nord du Canada qui comprennent des représentants des corps dirigeants autochtones et des gouvernements fédéral et territoriaux. En vertu de la LEI, un organisme, y compris un organisme de cogestion établi dans le cadre d’une entente sur des revendications territoriales visée à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et qui a des attributions en lien avec l’évaluation des effets sur l’environnement d’un projet désigné, est considéré comme une instance. Voir aussi « corps dirigeant autochtone ». |
Constitution |
Loi constitutionnelle de 1982 |
Corps dirigeant autochtone |
Il s’agit d’un conseil, d’un gouvernement ou d’une autre entité qui est autorisé à agir pour le compte d’un groupe, d’une communauté ou d’un peuple autochtone titulaire de droits reconnus et confirmés en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans le présent document, un corps dirigeant autochtone qui a conclu une entente de coadministration est désigné comme une instance autochtone. |
Déclaration des Nations Unies |
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones s’entend de la déclaration adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, en 2007, qui établit un cadre universel de normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones dans le monde. |
Instance autochtone (pour l’application de la LEI) |
Dans le présent document de travail, ce terme désigne une entité définie comme une instance en vertu des alinéas 2e) à g) de la LEI, comme suit : e) organisme – de cogestion ou autre – établi par un accord sur des revendications territoriales visé à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et ayant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux d’un projet désigné; f) corps dirigeant autochtone ayant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux d’un projet désigné au titre : i) soit d’un accord sur des revendications territoriales visé à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ii) soit d’une loi fédérale, autre que la présente loi, ou d’une loi provinciale, notamment une loi mettant en œuvre un accord sur l’autonomie gouvernementale; g) corps dirigeant autochtone partie à un accord visé à l’alinéa 114(1)e); (L’alinéa 114(1)g) fait référence à un corps dirigeant autochtone qui a conclu une entente de coadministration.) |
LDNU |
La Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est une loi adoptée par le Parlement qui exige que le gouvernement du Canada travaille en consultation et en coopération avec les peuples autochtones pour élaborer un plan d’action visant à atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies; prenne des mesures pour s’assurer que les lois fédérales sont conformes à la Déclaration; et rende compte chaque année des progrès accomplis. |
LEI |
|
(le) ministre |
Ministre de l’Environnement et du Changement climatique |
Résumé
Ce document a été élaboré conjointement par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (l’AEIC) et un Cercle d’experts (le Cercle). Le Cercle est un sous-comité du Comité consultatif autochtone de l’AEIC. Il est composé de membres des Premières Nations, d’Inuit et de Métis, ainsi que d’experts recommandés par des personnes et des organisations autochtones. L’AEIC remercie le Cercle pour le temps qu’il a consacré à l’élaboration conjointe de ce document, pour son expertise, et pour les discussions approfondies auxquelles il a participé.
L’AEIC s’est engagée à réaliser, en temps opportun, des évaluations efficaces, prévisibles et de grande qualité des projets désignés en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact (la LEI). Il est essentiel de maximiser le partenariat avec les peuples autochtones pour atteindre ce résultat et pour garantir l’harmonisation avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la Déclaration des Nations Unies).
Durant la rédaction de ce document de travail, le gouvernement était en train d’élaborer des propositions de modification de la Loi afin de s’harmoniser avec les directives de la Cour suprême du Canada[i]. Par conséquent, certains articles de la LEI étant mentionnés dans le présent document de travail pourraient avoir été modifiés en raison des modifications. Toutefois, la Déclaration des Nations Unies fait partie intégrante de la LEI, et continuera à l’être. La LEI et les politiques qui l’accompagnent fournissent un cadre et des outils qui peuvent être utilisés pour maximiser le partenariat et le leadership des peuples autochtones dans le but d’obtenir un consentement préalable, libre et éclairé. Les ententes de coadministration des évaluations d’impact avec les Autochtones décrites dans le présent document constitueraient un outil permettant de travailler en partenariat avec les Autochtones pour atteindre ces objectifs. Plus précisément, ces ententes faciliteraient le partage des responsabilités et des décisions au cours du processus d’évaluation d’impact avec les corps dirigeants autochtones et d’autres organismes admissibles tels que les conseils de cogestion établis dans le cadre d’ententes sur des revendications territoriales. Avant de conclure des ententes de coadministration, il faut mettre en place une réglementation. L’engagement à faire progresser un cadre réglementaire et stratégique pour les ententes de coadministration fait partie des priorités générales du gouvernement du Canada.
À l’heure actuelle, les décisions ou les recommandations au cours d’un processus fédéral d’évaluation d’impact sont formulées par l’AEIC, par une commission, par le ministre de l’Environnement et du Changement climatique (le ministre), ou par le gouverneur en conseil, conformément à la LEI. Lors de la réalisation des évaluations, le Canada cherche activement à coopérer et à se coordonner avec les provinces et les territoires, ainsi qu’avec les instances autochtones dotées de pouvoirs en matière d’évaluation environnementale, qui procèdent à l’évaluation des mêmes projets en vertu de leurs propres lois. Cependant, seul un petit nombre de corps dirigeants autochtones disposent actuellement de pouvoirs en matière d’évaluation environnementale qui sont reconnus et applicables en droit canadien.
La LEI offre une nouvelle possibilité aux corps dirigeants autochtones de conclure des ententes avec le ministre en vue d’être considérés comme des instances aux fins de l’application de la LEI, et d’exercer des attributions spécifiques liées à l’évaluation d’impact concernant l’évaluation d’impact fédérale des projets désignés. Ces ententes ne seraient pas spécifiques à des projets. Elles s’appliqueraient plutôt aux évaluations de tout projet proposé sur les terres spécifiées dans les ententes.
Tout au long du processus d’évaluation d’impact, un large éventail de décisions sont prises et influent sur l’évaluation et le résultat final. Il s’agit notamment des décisions concernant les questions qui doivent être abordées, les renseignements qui doivent être collectés et la question de savoir si les renseignements fournis sont suffisants, la manière dont ces renseignements sont évalués et présentés dans le rapport d’évaluation d’impact, ainsi que la décision définitive. Le processus comporte également des obligations et des fonctions telles que la consultation des peuples autochtones et du public, la publication des renseignements requis dans un registre public et la fourniture au promoteur de plans de collaboration avec d’autres instances, dans les délais impartis.
Le Cercle propose que ces ententes, auparavant appelées « ententes de collaboration », soient appelées « ententes de coadministration des évaluations d’impact avec les Autochtones ». Cela reflète le fait que, dans la pratique, le Cercle et l’AEIC s’attendent à ce que les corps dirigeants autochtones et le gouvernement fédéral partagent la responsabilité décisionnelle et d’autres responsabilités tout au long du processus fédéral d’évaluation d’impact.
Objet du document de travail et de la mobilisation actuelle
Un projet de règlement et un cadre stratégique d’accompagnement pour les ententes de coadministration seraient élaborés en coopération et en consultation avec les Autochtones, conformément à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (LDNU), et en tenant compte des commentaires des provinces, des territoires, de l’industrie et d’autres intervenants.
Le présent document de travail ouvre le dialogue en explorant les avantages, les limites et les défis potentiels des ententes de coadministration, ainsi que les options en matière de règlements, de politique et d’autres initiatives qui soutiendraient la mise en œuvre de ce nouveau mécanisme.
En élaborant conjointement ce document de travail, l’AEIC et le Cercle ont cherché à obtenir un consensus, dans le but de collaborer pour trouver un terrain d’entente dans la mesure du possible. Lorsqu’il n’a pas été possible de parvenir à un consensus, ou lorsque le Cercle ou l’AEIC n’avait pas encore formulé d’avis sur une question, les points de vue de chaque partie ont été présentés séparément. L’absence de position de l’AEIC sur un sujet particulier ne signifie pas qu’elle est en désaccord avec le Cercle.
La LEI encadre ce qui est possible dans le cadre des ententes de coadministration. Les travaux du Cercle ont commencé après la promulgation de la LEI et la définition des paramètres des ententes de coadministration dans la LEI. Pour les besoins de ce document de travail, le Cercle a fourni des directives sur les moyens de maximiser le leadership des peuples autochtones dans les limites de l’article 114.
Ce document vise à servir de base pour la discussion et pour la mobilisation dans le cadre des prochaines étapes et de l’élaboration du projet de règlement et du cadre stratégique de l’AEIC.
L’AEIC souhaite obtenir des commentaires pour :
- évaluer la faisabilité du nouveau mécanisme et l’intérêt qu’il suscite;
- comprendre les points de vue et les perspectives concernant les options et les considérations présentées;
- identifier tout élément qui n’aurait pas été pris en considération;
- obtenir toute autre information permettant d’orienter l’élaboration du projet de règlement et du cadre stratégique ou des directives complémentaires afin de maximiser le leadership des Autochtones dans l’évaluation d’impact.
Une liste de questions a été dressée pour soutenir la discussion, mais elle ne se veut pas restrictive; et toute rétroaction est bienvenue.
Ce que nous avons appris
Le Cercle et l’AEIC se sont entendus pour dire que les principaux avantages des ententes de coadministration étaient les suivants :
- permettre au Canada et aux corps dirigeants autochtones de partager officiellement la gouvernance et la prise de décisions à des moments clés du processus d’évaluation d’impact;
- accroître la certitude des processus d’évaluation d’impact en fournissant des assurances officielles quant aux rôles décisionnels dans les futures évaluations d’impact sur des terres déterminées;
- faciliter l’exercice et la promotion de l’autodétermination des Autochtones dans le processus d’évaluation d’impact en offrant une nouvelle option de partenariat;
- permettre aux corps dirigeants autochtones qui ne disposent pas encore d’un pouvoir reconnu en matière d’évaluation environnementale d’être considérés comme des instances en vertu de la LEI sur les terres spécifiées dans les ententes aux fins de l’application de la LEI.
Le Cercle et l’AEIC reconnaissent que, même si les ententes de coadministration offraient une nouvelle occasion de participer au processus fédéral d’évaluation d’impact, certaines Premières Nations, certains Inuit ou certains Métis pourraient souhaiter y participer d’une autre façon afin que le Canada obtienne leur consentement libre, préalable et éclairé, et afin de respecter leurs responsabilités en matière d’environnement et d’intendance. Pour être clair, les ententes de coadministration ne seront pas obligatoires, et d’autres options de collaboration et de partenariat continueront d’être offertes.
Pour déterminer leur intérêt dans les ententes de coadministration, les groupes autochtones peuvent prendre en considération les éléments suivants :
- Une entente de coadministration permettrait à un corps dirigeant autochtone d’exercer certains pouvoirs ou de s’acquitter d’obligations ou de fonctions en rapport avec les évaluations d’impact fédérales prévues par la LEI.
- Dans la pratique, il s’agira probablement de travailler aux côtés de l’AEIC tout au long du processus. Le corps dirigeant autochtone peut adopter sa propre approche de la mise en œuvre du processus d’évaluation d’impact dans le cadre de la LEI, et cette approche peut être guidée par les lois et les perspectives autochtones, tout en respectant les exigences prévues par la LEI et les règlements. (Le Cercle et l’AEIC reconnaissent que cela ne répond pas aux demandes de reconnaissance de processus autochtones complètement indépendants fondés sur les lois autochtones.)
- Le processus décisionnel d’une instance autochtone pourrait faire l’objet d’un litige, de la même manière que les décisions fédérales sont parfois contestées devant les tribunaux.
- Le fait d’être considéré comme une instance dans le cadre d’une entente de coadministration viserait strictement l’application de la LEI, et ne se répercuterait pas sur l’application des lois provinciales ou d’autres lois fédérales, et n’aurait pas d’incidence sur les processus de reconnaissance des droits. Une instance autochtone n’aurait pas non plus d’incidence sur les ententes ni sur les négociations entre les groupes autochtones et la Couronne, qui sont exclues du cadre de l’évaluation d’impact. De même, ces ententes ne sont pas des ententes de revendications territoriales et ne représentent pas une reconnaissance ou un déni de droits fonciers, qu’ils soient exclusifs ou non.
- Les ententes de coadministration et leur contenu font l’objet de négociations entre les corps dirigeants autochtones et le ministre. Comme l’exige la LEI, les ententes seront mises à la disposition du public.
- Des décisions doivent être prises à des moments clés tout au long de l’évaluation d’impact d’un projet désigné - les pouvoirs particuliers autorisés pourraient être déterminés au cas par cas lors de la négociation de l’entente.
- L’AEIC est d’avis que, dans la plupart des cas, le pouvoir de prendre la décision définitive revient au ministre ou au gouverneur en conseil. Si la décision définitive devait être incluse dans une entente de coadministration, il est plus probable qu’une instance autochtone serait autorisée à procéder à la décision définitive conjointement avec le décideur fédéral en vertu d’un accord, plutôt qu’indépendamment, et que certains critères devraient être mis en place. (Par exemple, l’un des critères pourrait être qu’un projet soit proposé sur des terres avec lesquelles une seule instance autochtone a un lien clair et solide fondé sur des droits).
L’AEIC et le Cercle ont présenté d’autres options et considérations dont il faut tenir compte dans l’élaboration d’un cadre réglementaire et stratégique :
- Les parties à une entente de coadministration auraient un intérêt commun à veiller à ce que les processus et les délais prévus par la LEI soient respectés, à ce que les pouvoirs d’évaluation d’impact soient exercés conformément à la section « Objet » de la LEI (incluant des processus équitables, prévisibles et efficaces), et à ce que les décisions soient défendables. Les règlements pourraient exiger que les ententes soient négociées de manière à garantir l’harmonisation avec la LEI, et une politique de soutien orienterait ce processus.
- Bien que les ententes de coadministration ne modifient pas les instances provinciales, les provinces et les territoires partagent des instances et des responsabilités en matière d’environnement, et disposent de leurs propres lois en matière d’évaluation environnementale. La mise en œuvre réussie des ententes de coadministration nécessitera une coopération et une coordination efficaces avec les provinces et les territoires, qui devront participer dans les négociations. Le Cercle estime que l’AEIC a la responsabilité de protéger les intérêts des Autochtones tout en se coordonnant avec les provinces et les territoires.
- Les groupes autochtones sont variés, et la capacité de coadministration se renforcera au fil du temps, à mesure que l’AEIC et les corps dirigeants autochtones acquerront de l’expérience avec ce nouveau mécanisme. Le cadre réglementaire et stratégique des ententes de coadministration devra être souple et favorable à l’évolution afin de permettre une participation maximale des corps dirigeants autochtones à l’évaluation d’impact selon des modalités qui correspondent le mieux à leurs intérêts et à leur préparation.
- L’un des moyens d’y parvenir consiste à élaborer des règlements plus habilitants que prescriptifs, en énonçant la majorité des critères et des processus plus détaillés dans une politique. Généralement, la politique est plus flexible et peut être mise à jour plus rapidement que les règlements.
- La négociation et la mise en œuvre d’ententes de coadministration peuvent exiger beaucoup de ressources de la part des corps dirigeants autochtones Les questions territoriales devront être abordées et des mesures techniques et de gouvernance (par exemple, les procédures et la répartition des responsabilités en matière d’évaluation d’impact, les systèmes de gestion de l’information, le soutien administratif et le secrétariat) devront être mises en place.
- Le Cercle croit que le cadre doit inclure des processus et un financement adéquat des capacités.
- Afin de soutenir l’état de préparation et de limiter la sollicitation de leurs ressources, les instances autochtones pourraient chercher à :
- Tirer parti, dans la mesure du possible, des capacités et de l’expertise technique et scientifique (liées à des composantes environnementales précises, par exemple) du gouvernement fédéral, des organisations autochtones ou d’autres sources.
- Trouver des possibilités de collaborer avec d’autres corps dirigeants ou organisations autochtones lors des évaluations d’impact.
- Se concentrer sur les aspects qui ont le plus de pouvoir discrétionnaire et d’influence sur le processus et les résultats finaux au lieu d’assumer toutes les responsabilités tout au long du processus d’évaluation d’impact.
- Le fait de déterminer comment spécifier les terres dans une entente peut s’avérer complexe, en particulier dans les cas de chevauchement territorial. Par conséquent, les rôles devraient être négociés de manière coordonnée. Par exemple, plusieurs corps dirigeants autochtones peuvent convenir de collaborer par l’intermédiaire d’un conseil tribal ou d’une autre entité.
- Lors de l’examen de l’admissibilité, le Cercle invite le gouvernement du Canada à respecter les divers modèles de gouvernance autochtone, qui peuvent inclure des conseils élus, des chefs héréditaires, des systèmes familiaux ou claniques, ainsi que de multiples couches de gouvernance, chacune ayant son propre espace, clairement défini au sein du système de gouvernance.
- Il est convenu qu’un processus transparent devrait être mis en place pour déterminer l’admissibilité. Le Cercle recommande que cela se fasse au moyen d’une combinaison d’autoévaluation par les Autochtones et d’un organisme consultatif chargé de faire des recommandations à l’AEIC et au ministre.
- Les ententes de coadministration ne sont qu’un outil spécialisé et facultatif. L’AEIC reconnaît que les groupes autochtones peuvent préférer participer d’une autre manière et s’engage à maximiser le leadership autochtone dans l’évaluation d’impact, que ce soit au moyen d’ententes de coadministration ou d’autres mécanismes de collaboration.
Voies à suivre
L’AEIC s’engage à prendre le temps nécessaire pour faire progresser ces travaux en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, en s’appuyant sur les commentaires des provinces et des territoires, de l’industrie et des autres intervenants. La rétroaction découlant de ce document de travail servira de base aux prochaines étapes, notamment aux travaux menés avec les partenaires autochtones en vue d’établir un cadre stratégique et réglementaire pour les ententes de coadministration, ainsi qu’à d’autres efforts visant à maximiser les partenariats avec les Autochtones dans le domaine de l’évaluation d’impact.
Figure 1 : Étapes potentielles vers l’élaboration d’un règlement et d’une politique connexe
1. Introduction
Une collaboration et un partenariat solides entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones sont essentiels pour obtenir les meilleurs résultats possibles des évaluations effectuées en vertu de la LEI et pour garantir l’harmonisation avec la LDNU. La LEI prévoit un large éventail d’outils de collaboration et de partenariat avec les Autochtones. L’AEIC s’est engagée à maximiser ces possibilités de partenariat et à solliciter le consentement des groupes autochtones potentiellement concernés d’une manière qui soit conforme aux droits et aux responsabilités des Autochtones en matière de gouvernance et d’intendance.
Ce document de travail porte sur un nouveau mécanisme potentiel de partenariat entre le Canada et les Autochtones en matière d’évaluation d’impact : les ententes de coadministration avec les Autochtones[ii]. Ces ententes, prévues aux alinéas 114(1)d) et e) de la LEI, s’ajouteraient aux possibilités de partenariat actuelles décrites dans le Guide du praticien sur les évaluations d’impact fédérales. Une fois les règlements en place, un corps dirigeant autochtone[iii], ou un autre organisme admissible, tel qu’un conseil de cogestion établi dans le cadre d’une entente sur des revendications territoriales, pourrait conclure une entente avec le ministre pour exercer officiellement des responsabilités et prendre des décisions à des moments clés de l’évaluation d’impact d’un projet désigné en vertu de la LEI. Cela n’inclut pas la décision de déterminer si une évaluation d’impact est nécessaire. Ces ententes, appelées ententes de coadministration, ne seraient pas spécifiques à un projet, mais s’appliqueraient aux évaluations d’impact des projets désignés sur les terres visées par les ententes.
Les ententes de coadministration auraient également des incidences sur l’instance en vertu de la LEI. Dans les Principes régissant la relation du Gouvernement du Canada avec les peuples autochtones, le gouvernement du Canada affirme que le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale est un droit autochtone existant au titre de l’article 35 de la Constitution. Cependant, les pouvoirs spécifiques d’autonomie reconnus et applicables en vertu du droit canadien peuvent varier. Certains corps dirigeants ou organismes de cogestion autochtones disposent de pouvoirs d’évaluation environnementale en vertu d’une entente sur des revendications territoriales ou d’une autre législation fédérale ou provinciale et sont déjà considérés comme des instances en vertu de la LEI dans la mesure où ils possèdent ces pouvoirs. Pour les corps dirigeants autochtones qui ne disposent pas encore de pouvoirs reconnus en matière d’évaluation environnementale, les ententes de coadministration prévoiraient également que ces organismes soient considérés comme des instances aux fins de la LEI. Cela serait conforme à l’engagement du gouvernement du Canada de rechercher une relation renouvelée de nation à nation, entre les Inuit et la Couronne, et de gouvernement à gouvernement entre le Canada et les Premières Nations, les Inuit et les Métis. En outre, cela permettrait aux groupes autochtones et aux autres instances d’être sur un pied d’égalité lors des évaluations fédérales. La définition d’« instance » à l’article 2 de la LEI s’applique strictement à la mise en œuvre de cette loi, et non à d’autres lois fédérales ou provinciales.
Des règlements du gouverneur en conseil doivent être mis en place pour permettre au ministre et aux corps dirigeants autochtones de conclure des ententes de coadministration. Ce document de travail explore les options et les considérations qui permettront d’orienter les discussions sur l’élaboration de ces règlements et de la politique de soutien. La rétroaction aidera également l’AEIC à déterminer les moyens de maximiser le leadership autochtone en matière d’évaluation d’impact en parallèle, et à en établir les priorités, sans qu’il soit nécessaire de conclure des ententes de coadministration.
1.1 Contexte
Les terres, les eaux et les glaces de ce continent ont été des terres autochtones pendant des millénaires, avant que le Canada n’existe en tant que pays. Bien que les cultures autochtones soient diverses, la durabilité et le respect de l’environnement naturel font partie intégrante de l’éthique, du savoir et des lois autochtones. En raison de la colonisation et des préjudices qu’ils ont subis, les peuples autochtones se sont vu refuser la possibilité d’exercer leurs cultures et leurs droits sur les terres et les territoires. Pour les peuples autochtones, ce préjudice historique et actuel a suscité le scepticisme et la méfiance à l’égard de tous les ordres de gouvernement et des activités industrielles sur les terres autochtones.
Une relation renouvelée
Le gouvernement du Canada, dans le cadre de son engagement en faveur de la réconciliation entre la Couronne et les Autochtones, cherche à créer une relation renouvelée fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat. C’est dans cet esprit que le gouvernement du Canada a adopté la LDNU, qui lui donne l’obligation de travailler en consultation et en coopération avec les peuples autochtones afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les lois du Canada sont conformes à la Déclaration des Nations Unies. Conformément à cet objectif, le Canada s’est engagé, dans son Plan d’action de la LDNU, à faire progresser les règlements permettant l’élaboration d’ententes de coadministration.
Le Cercle rappelle que la LEI comporte des limites. En particulier, les dispositions de la LEI relatives aux ententes de coadministration ne permettraient pas directement au ministre d’autoriser un corps dirigeant autochtone à entreprendre des évaluations fédérales dans le cadre de systèmes juridiques autochtones distincts. Le Cercle considère néanmoins que ce nouveau mécanisme est prometteur, et qu’il constitue un autre outil potentiel pour l’exercice de l’autodétermination dans le cadre de l’évaluation d’impact.
« Soyez réalistes. Reconnaissez que cela s’inscrit dans un système canadien. Par contre, c’est un outil supplémentaire pour exercer l’autodétermination, un pas en avant dans la décolonisation » [traduction].
Principes
L’AEIC et le Cercle reconnaissent que les travaux d’élaboration du cadre des ententes de coadministration avec les Autochtones pourraient être bien soutenus par l’établissement de certains principes directeurs clés. Le Cercle s’est inspiré des Principes visant à éclairer les ententes de collaboration entre les peuples autochtones et l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, élaborés par le Comité consultatif autochtone, pour élaborer les principes directeurs suivants :
- Refléter de bons processus fondés sur des relations, et garantissant de bons résultats en matière de prise de décisions : L’élaboration conjointe du cadre et la négociation d’ententes de coadministration avec les Autochtones devraient permettre de créer du contenu significatif qui reflète les points de vue des peuples autochtones et de l’AEIC.
- Afficher un caractère général et souple tout en respectant les capacités des peuples autochtones et en autonomisant les gouvernements autochtones : Le cadre doit répondre aux besoins des peuples autochtones là où ils se trouvent, et offrir des possibilités de modification et de réajustement en fonction de l’évolution de la préparation.
- Faire progresser la décolonisation du droit et des politiques, et refléter la progression vers l’autonomie gouvernementale tout au long du processus d’évaluation d’impact : Ce cadre devrait être l’expression de l’autodétermination des peuples autochtones, et renforcer les pouvoirs de gouvernance des gouvernements autochtones.
- Démontrer la cohérence avec les obligations constitutionnelles du Canada et ses engagements envers la Déclaration des Nations Unies : Le cadre devrait faciliter des changements et des résultats réels et mesurables.
- Reconnaître les relations avec les provinces et les territoires et leur rôle dans le respect des obligations en matière d’évaluation d’impact : Ce cadre devrait favoriser la coopération entre les instances autochtones et les autres instances.
- Soutenir l’autodétermination et l’intendance environnementale des Autochtones : Ce cadre devrait permettre aux Autochtones d’exercer une influence accrue sur l’utilisation des terres et des ressources de leurs territoires.
- Partage des pouvoirs : Le cadre doit refléter un véritable partage des pouvoirs avec les corps dirigeants autochtones.
Possibilités actuelles en vertu de la LEI
La LEI régit la manière dont les évaluations d’impact de certains grands projets[iv] sont menées. La LEI établit le processus de détermination des effets positifs et négatifs d’un projet (en tenant compte de facteurs incluant des effets cumulatifs et la combinaison du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires), et de prévention et d’atténuation d’effets négatifs relevant d’un domaine de compétence fédérale. La LEI affirme l’engagement du gouvernement du Canada à respecter les droits des Autochtones et l’importance de promouvoir la coopération et l’action coordonnée entre le gouvernement fédéral et les autres instances, y compris les instances autochtones. La LEI vise à établir des processus d’évaluation équitables, prévisibles et efficaces qui favorisent l’innovation et la durabilité.
La Couronne a l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder les Autochtones lorsqu’elle envisage une conduite susceptible d’avoir un impact négatif sur les droits ancestraux ou issus de traités, potentiels ou établis. Depuis de nombreuses années, l’AEIC dialogue avec les communautés autochtones et les consulte dans le cadre de grands projets. L’AEIC s’est engagée à respecter et à dépasser l’obligation légale de consulter en s’orientant vers des partenariats et une collaboration plus solides tout au long du processus d’évaluation, dans le but de maximiser le leadership des Autochtones en matière d’évaluation d’impact. L’AEIC est guidée par l’engagement du Canada à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies, qui reconnaît notamment que les peuples autochtones ont le droit de prendre eux-mêmes les décisions relatives à la mise en valeur de leurs terres. Les possibilités actuelles de collaboration entre le Canada et les peuples autochtones en matière d’évaluation d’impact sont vastes et souples, et dépendent des intérêts et des priorités des communautés. Elles sont généralement spécifiques à un projet et peuvent inclure des mesures telles que la collaboration à l’évaluation d’impact d’un projet sur l’exercice des droits ancestraux ou issus de traités, la corédaction du rapport d’évaluation d’impact, la mise en place de comités mixtes Autochtones-Agence qui entreprennent ensemble certaines parties du processus fédéral, et l’élaboration conjointe de mesures d’atténuation susceptibles de remédier aux répercussions potentielles d’un projet sur les droits ou les intérêts d’une communauté autochtone. L’alinéa 22(1)q) de la LEI stipule également que si un corps dirigeant autochtone entreprend sa propre évaluation d’impact concernant un projet désigné, celle-ci doit être prise en considération dans l’évaluation d’impact fédérale. Dans les cas où un corps dirigeant autochtone a entrepris sa propre évaluation, l’AEIC s’est efforcée d’harmoniser, dans la mesure du possible, l’évaluation fédérale avec le processus autochtone.
Figure 2 : Options pour la participation à l’évaluation d’impact
L’AEIC cherche à faire participer les groupes autochtones aux évaluations d’impact afin d’obtenir leur consentement au moyen de processus fondés sur le respect mutuel et le dialogue. Pour les groupes désireux de jouer un rôle plus important, il existe de nombreuses possibilités de collaborer avec l’AEIC, projet par projet. Le partenariat peut inclure la conclusion d’ententes de coadministration afin de partager certaines responsabilités et certains pouvoirs décisionnels.
Un partenariat et une collaboration solides avec les Autochtones sont essentiels pour atteindre l’objectif commun d’un consentement libre, préalable et éclairé aux points de décision clés tout au long du processus, et pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Les exemples suivants illustrent une collaboration et un partenariat solides entre l’AEIC et les groupes autochtones au cours de l’évaluation d’impact.
Pour l’évaluation récente du projet de palladium de Marathon en Ontario, l’AEIC a largement collaboré avec la Première Nation de Biigtigong Nishnaabeg, qui est la communauté la plus susceptible d’être touchée par le projet. Le processus de collaboration a permis d’élaborer conjointement une méthodologie pour évaluer la gravité des impacts sur les droits des groupes autochtones, d’évaluer le projet proposé par rapport aux droits, de discuter des mesures d’atténuation et d’adaptation possibles, et de commenter ou de corédiger de nombreux documents d’analyse. L’approche fondée sur le consensus a abouti à un processus de ratification orchestré par les dirigeants de la Première Nation de Biigtigong Nishnaabeg. Plus de 90 % des électeurs de cette Première Nation ont soutenu le projet en votant en faveur de l’entente sur les avantages communautaires négociée avec le promoteur et de la trousse d’accommodement proposée par la Couronne. Le résultat du vote des Biigtigong Nishnaabeg a été soigneusement pris en considération dans la décision du ministre d’autoriser la poursuite du projet. La déclaration de décision émise par le ministre établit également des conditions qui seront juridiquement contraignantes pour le promoteur, notamment l’obligation de consulter la Première Nation de Biigtigong Nishnaabeg et, dans certains cas, de « rechercher un consensus ». |
Pour le projet d’agrandissement de Deltaport – quatrième poste d’amarrage en Colombie-Britannique, la S’ólh Téméxw Stewardship Alliance a rédigé certaines parties des lignes directrices conjointes (qui définissent les renseignements que le promoteur doit fournir pour l’évaluation, qui doit être réalisée par une commission indépendante). En s’exprimant au nom de plusieurs groupes des Stó :lō vivant le long du bas Fraser, l’Alliance a recadré les exigences en matière d’information selon une perspective autochtone. Les lignes directrices indiquaient que le promoteur devait axer l’évaluation sur les impacts des engagements relationnels des Stó :lo avec les Sxoxomes (« dons du Créateur », Chíchelh Siyá :m), et que les impacts devaient être examinés selon l’optique des Stó :lo, en s’appuyant sur six éléments :
L’autonomie gouvernementale et les relations de nation à nation dans les compétences autochtones partagées. |
1.2 Un nouvel outil dans la boîte à outils
Bien qu’il existe de nombreuses possibilités de collaboration entre l’AEIC et les groupes autochtones au cours des évaluations d’impact, elles tendent à être négociées un projet à la fois et ne fournissent pas de garanties officielles quant au rôle ou à l’autorité d’un groupe autochtone en matière de prise de décisions dans les futurs processus d’évaluation d’impact. Les ententes de coadministration autochtones constitueraient un nouvel outil facultatif à ajouter à la boîte à outils pour les partenaires afin de combler cette lacune.
Les alinéas 114(1)d) et e) de la LEI permettent au ministre, une fois les règlements en place, de conclure des ententes avec les corps dirigeants autochtones et d’autres entités telles que les organismes de cogestion établis dans le cadre d’ententes sur les revendications territoriales. Les ententes définiraient les attributions qu’ils seraient autorisés à exercer dans le cadre des évaluations des impacts des projets désignés, sur les terres spécifiées dans les ententes. Les ententes prévoiraient également qu’un corps dirigeant autochtone serait considéré comme une instance aux fins de l’application de la LEI sur les terres spécifiées. La LEI prévoit que la plupart des attributions durant les phases de planification, d’étude d’impact, d’évaluation d’impact, et de prise de décision, y compris la décision définitive, pourraient éventuellement être conférées dans le cadre d’une entente de coadministration, à l’exception de la décision de l’AEIC en vertu de l’article 16 quant à la nécessité d’une évaluation d’impact d’un projet désigné. Les autorités de la phase post-décision (c.-à-d. le suivi, la surveillance, la conformité et l’application) n’entrent pas dans la portée d’une entente de coadministration, bien qu’il puisse y avoir des exigences en matière de consultation et des possibilités de collaboration au cours de cette phase. Selon les priorités, les intérêts et de la préparation des Autochtones, il pourrait y avoir une grande souplesse dans la manière dont les pouvoirs et la prise de décisions au cours des phases applicables sont négociés et partagés. Dans tous les cas, on s’attendrait à ce qu’il y ait un degré important de coopération et de coordination entre l’AEIC et l’instance autochtone. (Voir la section Partage de la prise de décisions dans l’évaluation d’impact pour une discussion plus détaillée sur la manière dont le partage de la prise de décisions pourrait fonctionner.)
Sous réserve des règlements et de l’entente de coadministration négociée entre le ministre et l’instance autochtone, la manière dont les pouvoirs sont exercés pourrait être souple (c.-à-d. que l’instance autochtone pourrait établir ses propres politiques et procédures pour orienter la mise en œuvre). Dans tous les cas, les exigences énoncées dans la LEI et les règlements, y compris en ce qui concerne les délais, doivent continuer à être respectées.
Ce nouvel outil spécialisé se distinguerait notamment par le fait que les instances autochtones prendraient des décisions spécifiques et contraignantes à certains stades du processus de la LEI, soit conjointement avec l’AEIC, soit de manière indépendante. Pour les corps dirigeants autochtones qui le souhaitent et qui sont prêts à les mener, les ententes de coadministration constitueraient un outil facultatif pour exercer leur leadership. En définissant les rôles décisionnels dans une entente officielle et non spécifique à un projet, les ententes de coadministration fourniraient également à toutes les parties une certitude quant aux rôles des corps dirigeants autochtones dans l’administration du processus d’évaluation d’impact.
Les ententes de coadministration qui autorisent un corps dirigeant autochtone à assumer des attributions seraient différentes, à plusieurs égards, d’une évaluation menée de manière indépendante. Par exemple, les ententes de coadministration autoriseraient un corps dirigeant autochtone à entreprendre certaines parties du processus fédéral d’évaluation d’impact. En outre, l’autorité du corps dirigeant autochtone à exercer les pouvoirs décrits dans l’entente serait reconnue par le droit canadien. Les tiers (notamment les promoteurs) devraient respecter les décisions et se conformer aux exigences fixées par les instances autochtones (c.-à-d. au moyen des lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact), tout comme ils doivent le faire pour l’AEIC.
Incidences sur les partenaires des traités modernes et de l’autonomie gouvernementale
Le Canada s’est engagé à respecter les obligations qui lui incombent en vertu des traités modernes et à établir de véritables relations de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, et entre les Inuit et la Couronne, avec les partenaires autochtones des traités modernes.
Les traités et l’établissement de traités entre les Autochtones et la Couronne sont à la base de la création du Canada. Les traités historiques et les traités modernes sont protégés par la Constitution en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982[v], ils ont force de loi et sont des éléments fondamentaux de la structure constitutionnelle du Canada. Un traité étant un engagement constitutionnel, les ententes de coadministration ne peuvent ni abroger un traité ni y déroger, car c’est le traité qui prévaut.
Les traités modernes (ceux conclus depuis 1975), ainsi que les ententes autonomes sur l’autonomie gouvernementale, peuvent contenir des dispositions ou des chapitres spécifiques relatifs à l’évaluation environnementale, et peuvent inclure le pouvoir de promulguer des lois relatives à l’évaluation environnementale. Les partenaires signataires des traités modernes et des ententes sur l’autonomie gouvernementale qui ont des attributions en rapport avec l’évaluation environnementale d’un projet désigné en vertu d’une entente sur des revendications territoriales ou d’une loi fédérale ou provinciale sont déjà considérés comme des instances en vertu de l’alinéa f) de la définition d’« instance » dans la LEI. Pour ces instances autochtones, une entente de coadministration pourrait apporter des précisions supplémentaires sur la manière dont elles collaboreraient avec l’AEIC au cours d’une évaluation d’impact en vertu de la LEI, dans l’esprit et l’intention du traité ou de l’entente. Une entente de coadministration pourrait les autoriser à assumer des attributions spécifiques en vertu de la LEI sur des terres où ils ont déjà des pouvoirs d’évaluation environnementale, et sur d’autres terres spécifiées dans les ententes de coadministration.
Dans les cas où un partenaire des traités modernes ou un autre corps dirigeant autochtone ont déjà convenu de la manière de collaborer avec le Canada au cours des évaluations environnementales, ou lorsqu’il existe des terres clairement définies, il peut être possible de conclure des ententes relativement rapidement une fois que les règlements sont en place, étant donné que de nombreux défis potentiels ont déjà été abordés au cours d’années, voire de décennies, de négociations et de discussions.
Incidences pour les provinces, les territoires et les intervenants
Les projets qui nécessitent une évaluation d’impact en vertu de la LEI peuvent également nécessiter une évaluation dans le cadre d’un régime provincial. Les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent ensemble, en harmonisant les exigences et les processus dans la mesure du possible. L’objectif est de respecter les compétences de chaque ordre de gouvernement tout en collaborant efficacement à la protection de l’environnement.
Les ententes de coadministration avec les Autochtones sont un moyen de partager uniquement les pouvoirs fédéraux. Toutefois, il est important de reconnaître que le paysage dans lequel se dérouleront les évaluations coadministrées est un domaine de compétence et de responsabilité partagées. Les provinces et les territoires ont leurs propres relations directes avec les Autochtones en ce qui concerne l’environnement et les évaluations d’impact. Bien que les ententes de coadministration ne s’appliqueraient qu’aux compétences fédérales (et non provinciales), l’AEIC insiste sur le fait qu’elles doivent être négociées de manière à assurer la coordination et la coopération avec les provinces et les territoires, et à prendre en considération les ententes déjà conclues avec d’autres instances (et d’autres corps dirigeants autochtones).
La coordination des évaluations fédérales et provinciales continue de progresser, mais il faudra sans doute du temps pour réinventer la relation entre les provinces, le gouvernement fédéral et les Autochtones, dans les cas où des instances autochtones participent au processus décisionnel fédéral à certains stades de l’ensemble du processus d’évaluation d’impact fédéral. L’AEIC s’est engagée à étudier, avec les provinces et les territoires[vi], les domaines d’intérêt commun potentiel, à les faire participer à la conversation afin d’éclairer les prochaines étapes de l’élaboration d’un projet de règlement et d’un cadre stratégique, et à travailler en collaboration avec les partenaires autochtones, à la mise en œuvre réussie d’éventuelles ententes de coadministration.
Pour les promoteurs et les participants à l’évaluation, il est important de savoir que les évaluations dans lesquelles les instances autochtones exercent des pouvoirs peuvent, dans de nombreux cas, être différentes des autres évaluations. L’AEIC reconnaît qu’il pourrait y avoir une courbe d’apprentissage pour les promoteurs et toutes les parties lorsque nous entreprenons des évaluations dans le cadre d’ententes de coadministration pour la première fois. Toutefois, les processus et les délais prévus par la LEI demeureraient obligatoires, et il ne serait pas possible d’imposer des attentes ou des exigences supplémentaires qui ne seraient pas conformes à la LEI. L’AEIC souhaite travailler avec les promoteurs et les participants à l’évaluation pour comprendre les défis, les impacts potentiels et les perspectives sur la manière de mettre en œuvre avec succès les ententes de coadministration.
Pour toutes les parties, y compris les promoteurs de projets, les ententes de coadministration apporteraient une plus grande certitude quant au rôle des compétences autochtones dans le processus. Elles pourraient réduire la probabilité qu’une décision relative à un projet soit contestée en garantissant que les titulaires de droits ancestraux ont joué un rôle décisif dans l’évaluation. La maximisation du leadership autochtone favorise des évaluations d’impact approfondies, prévisibles et solides.
1.3 Considérations
Le Cercle et l’AEIC ont abordé un grand nombre de questions susceptibles d’être soulevées dans le cadre de l’élaboration d’une réglementation et d’une politique de coadministration et de la mise en œuvre d’ententes, notamment la manière de déterminer les terres où une entente s’appliquera, l’admissibilité et la préparation, ainsi que les considérations liées à la négociation d’ententes. Les résultats de ces discussions sont présentés dans la suite du présent document de travail.
Du point de vue du Cercle, les ententes de coadministration autochtone, si elles sont dotées de ressources suffisantes, pourraient permettre aux corps dirigeants autochtones qui le souhaitent et qui sont prêts à le faire, d’exercer une influence accrue sur les évaluations, et d’avoir l’assurance officielle de jouer un rôle dans la prise de décision. Ces ententes pourraient renforcer la capacité des Autochtones à exercer leur droit à l’autodétermination sur leurs territoires, en particulier si les ententes prévoient l’autorisation de prendre la décision définitive.
En parallèle, le Cercle met en garde contre le fait que les ententes de coadministration ne sont liées qu’au processus fédéral prévu par la LEI, et qu’elles ne laissent qu’une place limitée aux processus autochtones. Selon l’entente en question, les ententes de coadministration pourraient exiger du corps dirigeant autochtone une responsabilité et des ressources nettement plus importantes que la participation à l’évaluation d’impact par d’autres moyens, afin de garantir le respect des processus législatifs et des délais prévus par la LEI. L’AEIC s’est engagée à maximiser les possibilités de leadership autochtone tout en reconnaissant que, dans la plupart des cas, la décision définitive incomberait toujours au ministre ou au gouverneur en conseil, ce qui ne sera probablement pas entièrement satisfaisant pour les groupes autochtones.
En outre, bien que les ententes de coadministration comblent les lacunes concernant certaines communautés titulaires de droits quant à l’identité des instances au sens de la LEI, elles ne combleraient pas les lacunes concernant des groupes qui ne sont pas en mesure de conclure ce type d’entente parce qu’ils ne sont pas prêts sur le plan de la capacité, qu’ils ne souhaitent pas assumer des pouvoirs, ou qu’il existe d’autres difficultés telles que la conclusion d’ententes avec d’autres groupes autochtones avec lesquels les territoires se chevauchent.
Tout en reconnaissant ces défis, l’AEIC et le Cercle estiment que les ententes de coadministration constituent une étape du processus visant la conclusion d’un véritable partenariat, soit une occasion de travailler avec les corps dirigeants autochtones en tant qu’un autre ordre de gouvernement, qui permet d’approfondir la compréhension mutuelle et les relations. Au fur et à mesure que les corps dirigeants autochtones assument des rôles décisionnels spécifiques en matière d’évaluation d’impact (c.-à-d. les attributions tout au long du processus d’évaluation d’impact fédéral), l’AEIC apprendrait également comment l’évaluation d’impact peut être abordée différemment dans le cadre du régime existant de la LEI, avec de nouveaux moyens de reconnaître et de respecter l’autodétermination des Autochtones dans ce domaine.
2. Gouvernance
La LEI précise les types d’entités avec lesquelles le ministre peut conclure des ententes. Elle exige également que les ententes précisent les terres sur lesquelles elles s’appliquent.
2.1 Qui peut conclure une entente de coadministration avec le ministre?
Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l’intermédiaire de représentants, qu’ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.
En vertu de la LEI, le ministre peut, s’il y est autorisé par un règlement, conclure des ententes de coadministration avec les entités suivantes :
1. Un corps dirigeant autochtone, défini comme un conseil, un gouvernement ou une autre entité autorisée à agir au nom d’un groupe, d’une communauté ou d’un peuple autochtone qui détient des droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Constitution. En vertu de la LEI, il existe deux catégories de corps dirigeants autochtones, qui peuvent tous deux conclure des ententes de coadministration :
(a) Certains corps dirigeants autochtones disposent de pouvoirs d’évaluation environnementale en vertu d’un traité moderne, d’une entente sur l’autonomie gouvernementale ou d’une loi provinciale ou fédérale. Ces corps dirigeants autochtones sont déjà définis comme des « instances » au sens de la LEI. La conclusion d’une entente de coadministration permettrait à ces corps dirigeants autochtones d’être considérés comme des instances aux fins de l’évaluation d’impact dans la mesure où l’entente de coadministration s’applique, ce qui pourrait être plus large que les terres de réserve ou les terres visées par un traité.
(b) D’autres corps dirigeants autochtones qui ne disposent pas encore de pouvoirs d’évaluation environnementale peuvent également conclure des ententes de coadministration, et seront considérés comme des instances aux fins de l’application de la LEI lorsqu’ils concluront des ententes. Il peut s’agir de représentants autorisés de Premières Nations visées par des traités historiques ou établies dans des territoires non cédés; de gouvernements, d’organisations ou d’établissements métis, dont la gouvernance peut inclure des organisations nationales, provinciales ou régionales, et dont les citoyens correspondent à la définition nationale de « Métis »; et d’Inuit, représentés par des organisations de revendication territoriale dans le nord du Canada.
2. Tout organisme (y compris un organisme de cogestion) établi en vertu d’une entente sur des revendications territoriales visée à l’article 35 de la Constitution qui a des attributions en lien avec l’évaluation environnementale d’un projet désigné.
- Il s’agirait notamment d’organismes de cogestion dans le nord du Canada, composés de représentants autochtones, fédéraux et provinciaux/territoriaux. L’un des éléments de complexité présents dans le Nord réside dans le fait que chacun des territoires nordiques dispose de son propre régime réglementaire, fondé sur une approche de cogestion unique, ancrée dans les cadres juridiques et culturels des ententes sur les revendications territoriales conclues avec les Autochtones. La LEI ne s’applique que dans certaines régions, ou dans des circonstances spécifiques. Par exemple, la LEI ne s’applique pas à la région marine d’Eeyou, où le régime d’évaluation d’impact de l’Accord sur les revendications territoriales concernant la région marine des Cris d’Eeyou s’applique. Elle ne s’applique pas non plus à la vallée du Mackenzie, où le régime d’évaluation de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie s’applique, sauf s’il est convenu qu’il est dans l’intérêt national de soumettre une proposition pour un examen conjoint dans le cadre de la LEI. Les ententes de coadministration ne s’appliqueraient que là où la LEI s’applique.
Figure 3
Matière à réflexion
« L’heure est venue pour les nations de prendre conscience de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités, et de les exercer à nouveau. Ce document est l’occasion de montrer ce qui est possible aujourd’hui et à l’avenir » [traduction].
« La détermination de qui est autorisé à agir au nom des titulaires de droits doit être lue conformément aux processus et aux normes juridiques autochtones, conformément à la Déclaration des Nations Unies » [traduction].
Avant de conclure une entente de coadministration, il faudra déterminer avec clarté et certitude quel organisme parle au nom d’une communauté de titulaires de droits aux fins de l’évaluation d’impact. Le Cercle estime qu’il est important de veiller à ce que les modalités relatives à l’admissibilité soient interprétées de manière à reconnaître la compétence inhérent des Autochtones et leur droit à l’autodétermination, et qu’ils soient conformes à la Déclaration des Nations Unies. En outre, le mécanisme de détermination du représentant autorisé des titulaires de droits doit être suffisamment souple afin de s’adapter à la culture et doit réduire au minimum les obstacles à franchir. Les ententes doivent être conclues avec les représentants autorisés des groupes, des communautés ou des personnes des Premières Nations, des Inuit et des Métis qui sont titulaires de droits en vertu de la Constitution. Un corps dirigeant autochtone peut être un chef et un conseil ou un gouvernement, par exemple, mais il peut également s’agir d’une entité désignée autorisée à représenter la communauté, pour autant qu’elle réponde à la définition d’un corps dirigeant autochtone présentée dans la LEI.
Le Cercle exhorte le gouvernement du Canada à respecter les divers modèles de gouvernance autochtones, qui peuvent inclure des conseils élus, des chefs héréditaires, des systèmes familiaux ou claniques, ainsi que de multiples niveaux de gouvernance, chacun ayant son propre espace clairement défini au sein du système de gouvernance. Dans certaines circonstances (peu courantes), il peut y avoir un désaccord sur l’entité autorisée à agir au nom d’un même groupe de titulaires de droits. Dans ces conditions, le Cercle estime que le rôle de l’AEIC devrait se limiter à faciliter les discussions entre les organismes de gouvernance potentiels si elle est sollicitée, et que l’AEIC elle-même ne doit pas être l’arbitre des questions de gouvernance interne.
Dans le cadre de la compréhension de ce qui constitue un corps dirigeant autochtone, on a conclu que l’AEIC devrait travailler en étroite collaboration avec la communauté titulaire de droits. Les dossiers des corps dirigeants autochtones que le gouvernement du Canada consulte déjà (p. ex., par l’intermédiaire des ministères Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord ou Services aux Autochtones Canada) constitueraient une bonne ressource. En cas d’incertitude, une résolution ou une motion, un référendum, une liste de membres ou d’autres éléments de preuve peuvent être fournis pour démontrer au ministre qu’une entité à l’autorité de représenter une communauté d’ayants droit aux fins de la conclusion d’une entente de coadministration.
« La difficulté n’est pas de savoir si une entité gouvernementale existe, mais plutôt de déterminer sa légitimité, les personnes qu’elle représente, et la source de son autorité » [traduction].
Lorsque plusieurs organismes revendiquent l’autorité d’agir au nom du même groupe de titulaires de droits aux fins de l’évaluation d’impact fédérale, les parties pourraient désigner conjointement une entité mutuellement acceptable qui répond à la définition du corps dirigeant autochtone pour conclure l’entente de coadministration.
Le sens et la signification du terme « instance » Le terme « instance » a une définition étroite et fonctionnelle en vertu de la LEI. Cette définition n’est applicable que dans le contexte des évaluations effectuées au titre de la LEI, et ne s’applique pas aux questions non comprises dans le cadre de la LEI, y compris l’application des lois provinciales ou d’autres lois fédérales. Elle se distingue également du concept important, mais plus large, de « compétence inhérente des Autochtones ». Dans les Principes régissant la relation du Gouvernement du Canada avec les peuples autochtones, le gouvernement du Canada reconnaît que la reconnaissance de la compétence et des ordres juridiques des nations autochtones est le point de départ des discussions visant à établir des interactions entre les instances et les lois fédérales, provinciales, territoriales, et instances autochtones. Bien que ce soit toujours le cas, la LEI n’est pas le moyen de déterminer où s’applique la compétence inhérente d’un groupe autochtone spécifique. Actuellement, la plupart des communautés autochtones titulaires de droits ne correspondent pas à la définition d’« instance » de la LEI. La définition n’inclut que les corps dirigeants autochtones (qui pourraient inclure les corps dirigeants autochtones des Premières Nations, des Inuit ou des Métis) qui ont des pouvoirs d’évaluation environnementale en relation avec un projet désigné en vertu d’une entente sur des revendications territoriales visé à l’article 35 de la Constitution, ou en vertu d’une loi provinciale ou fédérale. Les instances comprennent également des entités, notamment les organismes de cogestion, qui ont été créées dans le cadre d’ententes de revendication territoriale et qui disposent de pouvoirs d’évaluation environnementale liés à un projet désigné. Un corps dirigeant autochtone qui conclut une entente en vertu de l’alinéa 114(1)e) de la LEI serait alors considéré comme une instance aux fins de l’application de la LEI sur les terres spécifiées dans l’entente. Ainsi, les ententes de coadministration avec les Autochtones offrent la possibilité à d’autres corps dirigeants autochtones d’être considérés comme des instances aux fins de l’application de la LEI, à l’instar des instances autochtones existantes (ainsi que des provinces et des territoires). En tant qu’instance aux fins de l’application de la LEI, un corps dirigeant autochtone aurait les mêmes possibilités de participer aux évaluations que les instances autochtones, provinciales ou territoriales actuelles.
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2.2 Dans quels cas les ententes de coadministration s’appliqueraient-elles?
En vertu de la LEI, une entente de coadministration doit préciser les terres sur lesquelles l’entente s’applique. La LEI n’exige pas que les terres spécifiées dans l’entente soient des terres de réserve ou des terres visées par le règlement d’un traité. Les frontières des terres spécifiées devront être déterminées lors de la négociation d’une entente.
Établissement des terres
Lors de la négociation des terres où les ententes s’appliqueraient, le point de départ pourrait être les frontières « convenues » dans les traités, les ententes, ou les lois. Dans d’autres cas, le corps dirigeant autochtone et le ministre peuvent s’appuyer sur les frontières établies à la suite de consultations ou d’une mobilisation qui ont été utilisées lors d’évaluations antérieures. Le Cercle estime qu’il sera important de prendre en considération les frontières proposées par les corps dirigeants autochtones qui sont fondées sur les valeurs culturelles et sur le savoir autochtone (qui tiennent notamment compte des lieux sacrés; des lieux d’intendance, de récolte, d’établissement et de rassemblement; ou des territoires claniques ou familiaux).
L’AEIC et le Cercle reconnaissent que la négociation des frontières des terres sur lesquelles s’appliquerait une entente pourrait poser d’importants problèmes dans les situations où les groupes autochtones ont une histoire d’utilisation et d’occupation partagées, et dans les régions où certains groupes autochtones ont défini des limites territoriales et d’autres non. Dans certains cas, les conflits territoriaux sont allés jusqu’au litige, et ont bloqué d’autres types d’ententes et d’évaluations. Une partie du défi consistera à s’assurer que les intérêts territoriaux des corps dirigeants autochtones dont la capacité organisationnelle est moindre soient entendus et respectés dans ces discussions.
« Lorsqu’il existe de grandes disparités sur le plan de la capacité, du niveau d’organisation et de la taille, comment faire en sorte que toutes les voix soient entendues et respectées? » [traduction]
Le Cercle a estimé qu’il ne serait pas réaliste (ni de bonne foi) d’attendre des groupes autochtones qu’ils parviennent rapidement à un règlement permanent de leurs problèmes territoriaux afin de conclure des ententes de coadministration. Toutefois, le Cercle estime que des ententes provisoires entre les groupes autochtones permettant des ententes de coadministration sont possibles (même si certaines revendications territoriales demeurent en suspens). Il existe de nombreux exemples où des groupes autochtones ont réussi à gérer des territoires qui se chevauchent afin de collaborer à la réalisation d’objectifs communs.
Les groupes autochtones pourraient s’inspirer de ces exemples pour élaborer des ententes provisoires qui leur permettraient de conclure des ententes de coadministration.
Dans les situations où les territoires se chevauchent, le Cercle estime que la meilleure approche serait que les corps dirigeants autochtones se réunissent pour élaborer entre elles une proposition d’arrangement pour l’exercice des pouvoirs d’évaluation d’impact. Le Cercle a travaillé en collaboration avec l’AEIC pour proposer quelques options aux groupes autochtones, notamment les suivantes :
- Plusieurs groupes autochtones peuvent convenir de travailler par l’intermédiaire d’un seul organisme, tel qu’un organisme régional, un conseil tribal, une société ou un gouvernement national. Cet organisme peut soit s’occuper des aspects procéduraux de l’entente pour le compte d’un ou de plusieurs corps dirigeants autochtones ayant chacun une entente de coadministration, soit être l’instance autochtone elle-même, avec sa propre entente de coadministration (si elle répond à la définition d’un corps dirigeant autochtone au sens de la LEI). Il peut y avoir un éventail de dispositions souples ou nouvelles entre les groupes autochtones sur la manière de travailler ensemble.
- Les parties peuvent s’entendre pour qu’un corps dirigeant autochtone ait une entente de coadministration visant un territoire donné. Les autres groupes autochtones de la région seraient consultés ou pourraient collaborer d’une autre manière.
- Si plusieurs groupes qui souhaitent jouer un rôle dans la coadministration ne parviennent pas à s’entendre sur une représentation conjointe ou une collaboration par l’intermédiaire d’un seul organisme, plusieurs corps dirigeants autochtones peuvent conclure des ententes de coadministration portant sur les mêmes terres. Cette approche nécessiterait une approche coordonnée des négociations. Il est également possible que certains groupes concluent des ententes plus tôt et d’autres plus tard, selon leur intérêt et leur préparation, ce qui nécessiterait le recoupement des ententes actuelles avec les nouvelles ententes, voire la révision des ententes actuelles. Le Cercle met en garde contre le fait que cela pourrait se traduire par un rôle limité (moins d’occasions de prendre des décisions tout au long du processus) pour chacun des groupes autochtones. Il se peut, par exemple, que chaque instance autochtone ne puisse assumer que l’obligation d’évaluer l’impact sur ses propres droits et de rédiger les sections pertinentes du rapport d’évaluation d’impact.
3. Partage de la prise de décisions dans l’évaluation d’impact
De nombreuses décisions sont prises tout au long du processus d’évaluation d’impact. Chacun de ces points de décision influence le résultat final, et constitue une occasion d’exercer la gouvernance et l’intendance. Les possibilités actuelles, pour les groupes autochtones, de collaborer avec l’AEIC à la prise de ces décisions sans qu’il soit nécessaire de conclure des ententes de coadministration ou d’adopter des règlements, sont les suivantes :
- Les groupes autochtones peuvent collaborer avec l’AEIC pour rédiger certaines parties des lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact, qui définissent les renseignements ou les études que le promoteur doit fournir pour la conduite du processus d’évaluation d’impact;
- L’AEIC veille à comprendre les points de vue des groupes autochtones afin d’éclairer sa décision quant à la suffisance de l’étude d’impact du promoteur;
- Les groupes autochtones sont invités à rédiger les parties du rapport d’évaluation d’impact qui concernent leur savoir et leurs droits, et à collaborer avec l’AEIC pour déterminer les mesures d’atténuation et les exigences du programme de suivi qui pourraient être intégrées dans les conditions fédérales proposées si le projet est mis en œuvre;
- Les groupes autochtones peuvent conclure une entente pour réaliser conjointement une partie ou la totalité d’une évaluation en établissant un comité d’évaluation mixte.
Dans la plupart de ces cas, l’AEIC demeure responsable de la coordination du processus, de la préparation des documents finaux, et du respect des délais, bien qu’il existe également des situations dans lesquelles un comité d’évaluation mixte travaille en collaboration.
Pour certaines communautés, les possibilités actuelles d’être consultées ou de collaborer avec l’AEIC peuvent permettre d’atteindre l’équilibre souhaité entre l’influence et la responsabilité. Il se peut que d’autres communautés souhaitent conclure des ententes de coadministration, qui leur permettraient de prendre ou de partager officiellement des responsabilités ou la prise de décisions à des moments clés du processus fédéral.
Comment les ententes de coadministration faciliteraient-elles la prise de décisions partagées?
Les ententes de coadministration autoriseraient les corps dirigeants autochtones à exercer les attributions prévues par la LEI sur l’évaluation d’impact (voir les alinéas 114(1)d) et e)). Un corps dirigeant autochtone serait effectivement en mesure d’assumer l’autorité et la responsabilité de prendre des décisions à des moments clés du processus. Les attributions devraient être exercées de la manière et dans les circonstances prévues par l’entente, et en conformité avec la LEI.
Figure 4 : Processus d’évaluation d’impact
Les attributions qui peuvent être autorisées par une entente de coadministration vont de l’étape préparatoire à la phase de prise de décisions (voir le figure 4). Le seul pouvoir que la LEI exclut explicitement du partage est la décision de l’AEIC en vertu de l’article 16 concernant la nécessité d’une évaluation d’impact.
Activités de la phase de post-décision La LEI limite les pouvoirs qui peuvent être partagés dans le cadre d’ententes de coadministration à ceux qui se situent entre les phases de planification et de prise de décision. Cela signifie que les décisions et les pouvoirs liés à la phase de postdécision ne peuvent pas être partagés au moyen de ce mécanisme. Le Cercle et l’AEIC reconnaissent que de nombreux groupes autochtones ont un intérêt marqué pour les activités de suivi, de surveillance et d’application de la loi, et soulignent l’importance de continuer à collaborer pour assurer un leadership autochtone approprié dans la phase post-décision. L’une des possibilités d’assurer un leadership pendant la phase post-décision pourrait être l’élaboration partagée de programmes de suivi et d’exigences de contrôle qui comprennent, lorsque cela est justifié, des comités de surveillance dirigés par des Autochtones ou d’autres types de participation autochtone. L’AEIC note qu’une fois le processus d’évaluation d’impact achevé, si un projet est mis en œuvre, il pourrait y avoir des possibilités de collaboration avec d’autres ministères gouvernementaux au cours de la réglementation du cycle de vie des projets. Par exemple, Ressources naturelles Canada travaille actuellement à l’élaboration d’une réglementation en vertu de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie (Loi sur la Régie) afin de permettre la conclusion d’ententes autorisant les corps dirigeants autochtones à mener des activités en vertu de la Loi sur la Régie. Davantage de renseignements sont disponibles ici. |
Le Cercle reconnaît qu’il se peut que, dans un premier temps, très peu de groupes autochtones cherchent à assumer la pleine responsabilité de tous les rôles décisionnels prévus par la LEI, ainsi que toutes les attributions administratives. Il est préférable de se concentrer sur les attributions qui ont le plus d’influence sur le processus et ses résultats.
3.1 Questions / objectifs / possibilités
Il faut comprendre que les ententes de coadministration sont liées au processus fédéral d’évaluation d’impact en vertu de la LEI. Dans l’exercice de toute attribution ou dans l’accomplissement de toute fonction liée à une évaluation d’impact, l’instance autochtone doit le faire de manière à satisfaire aux exigences de la LEI. En d’autres termes, elle serait liée par les exigences énoncées dans la LEI, comme l’est l’AEIC dans l’exercice de ces attributions.
Le Cercle et l’AEIC reconnaissent que cela ne répond pas aux appels à la reconnaissance de processus autochtones complètement indépendants qui sont fondés sur les lois autochtones. Toutefois, dans le cadre de la structure de la LEI, et sous réserve de négociations, il y aurait une certaine souplesse en ce qui concerne les politiques et les procédures liées à l’exercice des pouvoirs. L’AEIC suit ses propres politiques et processus, mais une instance autochtone peut adopter une approche différente de la mise en œuvre qui serait orientée par les lois et les perspectives autochtones, tant que le processus répond aux exigences prévues par la LEI et les règlements d’application, ainsi qu’aux modalités de l’entente de coadministration.
Droit administratif, litige et avantages économiques
Les ententes de coadministration pourraient avoir certaines incidences juridiques pour les instances autochtones, notamment lorsqu’elles participent à la prise de décision. En effet, les décisions relatives aux évaluations d’impact sont susceptibles d’être contestées devant les tribunaux, notamment par des demandes de contrôle judiciaire émanant d’un promoteur de projet, d’un groupe autochtone, ou d’une autre partie intéressée. Par conséquent, le processus décisionnel d’une instance autochtone pourrait faire l’objet d’un litige, à l’instar des décisions fédérales, qui sont parfois contestées devant les tribunaux.
Le Cercle et l’AEIC ont estimé qu’il serait important que les corps dirigeants autochtones prennent en considération ces incidences lorsqu’ils décident de conclure ou non une entente de coadministration, et que l’AEIC et le corps dirigeant autochtone examinent la manière dont les principes de justice administrative, notamment l’équité procédurale, seraient respectés lors de la négociation et de la mise en œuvre d’une entente de coadministration.
Une autre question concerne les avantages économiques. Le Cercle note que, lorsque les gouvernements fédéral ou provinciaux autorisent la réalisation d’un projet, ils s’attendent à bénéficier, au moyen de l’impôt, du projet et de l’activité économique qui en découle. Dans certains cas, le projet évalué peut même appartenir au gouvernement. Les corps dirigeants autochtones ne disposent généralement pas de pouvoirs de taxation comparables, et l’activité économique associée ne bénéficierait pas automatiquement à la communauté autochtone. Il arrive donc souvent que les groupes concluent des ententes avec les promoteurs, notamment des ententes sur les répercussions et les avantages qui prévoient des paiements, des formations, des contrats ou des emplois, afin d’atténuer les répercussions et de garantir que leurs communautés bénéficient des projets menés sur leurs terres. Selon les circonstances et les attributions qu’une instance autochtone est autorisée à exercer, elle peut établir une séparation entre les entités de l’administration qui exercent des pouvoirs d’évaluation et celles qui négocient les avantages. L’instance autochtone peut également établir à l’avance une formule pour quantifier les avantages appropriés. De telles mesures relèveraient uniquement de la compétence de l’instance autochtone.
3.2 Rôles potentiels
Il sera important que le cadre politique et réglementaire des ententes de coadministration soit souple, afin de permettre une participation maximale des corps dirigeants autochtones à l’évaluation d’impact selon des modalités optimales par rapport à leurs intérêts et à leur préparation.
La LEI n’exige pas qu’un corps dirigeant autochtone assume toutes les attributions disponibles, et il n’y a pas de quantité spécifique ou minimale à inclure dans une entente de coadministration. Les pouvoirs particuliers autorisés pourraient être déterminés au cas par cas lors de la négociation de l’entente et pourraient éventuellement être suffisamment souples pour permettre d’accroître les responsabilités au fur et à mesure que l’expérience et les capacités augmentent, sous réserve de toute exigence ou considération dans les règlements ou la politique.
Au moment de déterminer les rôles décisionnels qu’ils souhaitent jouer, les corps dirigeants autochtones peuvent s’interroger sur l’intérêt que présenteront les futurs processus d’évaluation d’impact. Par exemple, est-il important de s’assurer que des renseignements précis pertinents pour le groupe autochtone sont recueillis? Existe-t-il des zones culturelles ou environnementales précises qui nécessitent une protection? Y a-t-il un intérêt particulier à examiner la nécessité du projet ou les solutions de rechange potentielles pour le projet? Quel est le niveau d’influence souhaitable, et combien de temps et de ressources peut-on consacrer au processus? Après avoir défini un rôle privilégié, les corps dirigeants autochtones peuvent étudier les attributions nécessaires à l’exercice de ce rôle.
Le Cercle indique que les corps dirigeants autochtones pourraient vouloir se concentrer sur les aspects de l’évaluation d’impact qui sont plus discrétionnaires, et qui sont plus susceptibles d’influencer l’évaluation et les résultats finaux. Le Cercle a déterminé les points de décision potentiels suivants pour lesquels les groupes autochtones pourraient être intéressés par un partage des pouvoirs dans le cadre d’ententes de coadministration :
- Les lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact fournissent au promoteur des directives sur les facteurs à prendre en considération dans le processus d’évaluation d’impact, la méthodologie à suivre et les exigences en matière d’information, le tout adapté au projet spécifique. En pratique, il est possible qu’une entente de coadministration soit structurée de manière à ce que l’AEIC et l’instance autochtone soient toutes deux tenues d’approuver et d’émettre les lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact.
- Déterminer le caractère suffisant de l’étude d’impact du promoteur, ce qui comprend la réception et l’examen de l’étude d’impact du promoteur afin de déterminer si elle contient l’ensemble des études et des renseignements requis, comme cela est indiqué dans les lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact, et d’émettre des demandes de renseignements si les exigences ne sont pas satisfaites.
- Le rapport d’évaluation d’impact résume le processus d’évaluation d’impact, en tenant compte des renseignements fournis par le promoteur, les ministères fédéraux compétents, les Autochtones, le public et d’autres instances. Le rapport doit fournir suffisamment de renseignements, dont l’établissement d’effets négatifs probables relevant d’un domaine de compétence fédérale et l’étendue de leur importance, pour permettre au décideur de prendre la décision définitive.
- Les conditions du projet sont les exigences incluses dans la déclaration de décision auxquelles le promoteur d’un projet désigné doit se conformer si le projet est mis en œuvre. Parmi d’autres exigences, les conditions doivent être applicables et concerner les effets négatifs relevant d’un domaine de compétence fédérale ou les effets négatifs directs ou indirects, ce qui limite les types de conditions qui peuvent être imposées. Conformément à la LEI, l’AEIC doit formuler des recommandations pour aider le ministre à établir les conditions du projet. Une entente de coadministration pourrait établir officiellement la manière dont une instance autochtone et l’AEIC travailleraient ensemble en vue d’élaborer et recommander conjointement les conditions du projet pour les évaluations futures. Le Cercle a indiqué que les corps dirigeants autochtones auraient probablement de l’intérêt pour des ententes de coadministration qui leur permettraient d’établir officiellement les conditions conjointement avec le ministre.
- La décision définitive est celle qui détermine si les activités susceptibles d’entraîner des effets négatifs importants relevant d’un domaine de compétence fédérale peuvent être menées. Bien qu’il s’agisse de la décision « finale », il existe généralement des processus d’évaluation provinciaux ou territoriaux et d’autres exigences fédérales, notamment les permis, qui doivent être mises en place avant qu’un projet puisse aller de l’avant.
- La déclaration de décision informe le promoteur de la décision définitive, des motifs de cette décision, et des conditions établies. Si une instance autochtone prend ou partage la décision définitive, les motifs de cette décision devraient être inclus dans la déclaration de décision.
Le processus d’évaluation d’impact comporte de nombreuses autres étapes, ainsi que des obligations et des fonctions administratives qui vont de pair avec chacun des pouvoirs, y compris, par exemple, le pouvoir de suspendre les délais à certaines étapes clairement prescrites du processus d’évaluation d’impact, pour les raisons énoncées dans la LEI ou dans les règlements. Les évaluations impliquent également des consultations avec les détenteurs de droits au titre de l’article 35 touchés par un projet, ce qui pourrait inclure des groupes qui ne sont pas parties à l’entente de coadministration. L’instance autochtone ou l’AEIC pourrait entreprendre cette consultation - en fonction des termes de l’entente - tout en gardant à l’esprit que la Couronne est en fin de compte responsable de s’assurer que l’obligation de consulter et, le cas échéant, d’accommoder, est remplie. Dans la plupart des cas, l’AEIC et l’instance autochtone devront collaborer pour assumer ces responsabilités et prendre des décisions conjointes. Par exemple, les deux parties pourraient se partager le pouvoir de publier les lignes directrices individualisées relatives à l’étude d’impact. Il n’y aurait qu’une seule ligne directrice individualisée relative à l’étude d’impact émise pour le promoteur, mais il pourrait y avoir un processus par lequel l’AEIC et l’instance autochtone doivent se mettre d’accord sur son contenu. Dans certaines circonstances, conformément à ce qui a été négocié, une instance autochtone peut prendre une décision ou exercer une certaine attribution de son propre chef.
Les types de pouvoirs négociés et la manière dont ils seraient exercés aux côtés de l’AEIC varieront en fonction du contexte, des priorités et de la préparation du corps dirigeant autochtone. Les images suivantes illustrent les rôles potentiels selon un spectre allant de l’évaluation dirigée par l’AEIC à l’évaluation dirigée par les Autochtones, en passant par le partage de la direction, afin de donner une idée des « trousses » de pouvoirs qui pourraient être négociés.
Figure 5 : Un éventail de possibilités
Il existe de nombreuses possibilités d’arrangements et de combinaisons de pouvoirs, de devoirs et de fonctions dans le cadre de la prise de décisions partagée, y compris les exemples précis présentés dans cette figure. De gauche à droite, le degré de contrôle (et les ressources nécessaires) d’une instance autochtone augmentent. Cette liste d’attributions ne se veut pas une liste exhaustive de ce qui pourrait être négocié dans une entente de coadministration, mais vise seulement à présenter quelques idées. Le Cercle et l’AEIC reconnaissent qu’il peut y avoir des pouvoirs supplémentaires ou des combinaisons de pouvoirs qui ne sont pas énumérés ici et qui pourraient présenter un intérêt.
Décision définitive
L’AEIC estime que la décision définitive pourrait éventuellement être partagée dans des circonstances limitées dans le cadre d’une entente de coadministration, sous réserve de toute limitation dans la réglementation ou la politique. Pour les membres du Cercle, le partage de ce pouvoir serait essentiel pour harmoniser les ententes de coadministration avec la Déclaration des Nations Unies. Le partage de la prise de décisions tout au long du processus d’évaluation d’impact nous permet de progresser. Cependant, le Cercle est d’avis qu’un changement transformateur dans l’évaluation d’impact nécessite la volonté du gouvernement fédéral de permettre à une instance autochtone de prendre la décision définitive. Le processus décisionnel est un élément clé de l’autodétermination.
Si une instance autochtone était autorisée à prendre la décision définitive, cette décision devrait se fonder sur les paramètres et prendre en considération les facteurs énoncés dans la LEI. La question de savoir si une entente de coadministration confère l’autorité de procéder à la décision définitive sera négociée une entente à la fois, et sous réserve de toute exigence ou considération figurant dans les règlements ou la politique. L’AEIC est d’avis que les dispositions visant à conférer la décision définitive doivent tenir compte de la nécessité de respecter la section « Objet » de la LEI, tout en veillant à ce que les facteurs à prendre en considération lors de la prise de la décision définitive soient examinés sous l’angle de l’intérêt public national. Ces considérations législatives devraient être abordées par l’instance autochtone, ou communiquées au décideur fédéral.
L’AEIC estime que certains critères devraient être réunis pour justifier l’attribution de la décision définitive dans le cadre d’une entente de coadministration. Il peut s’agir des critères suivants :
- L’instance autochtone doit être prête et accepter de collaborer tout au long du processus d’évaluation d’impact afin de garantir que des renseignements adéquats sont inclus dans le rapport d’évaluation d’impact et de soutenir la prise en considération de tous les facteurs dont il faut tenir compte pour la décision définitive;
- Il faut préciser que le projet est proposé sur des terres où une seule instance autochtone a un lien clair et solide fondé sur des droits;
- Il faut préciser que le projet est proposé sur des terres où les éventuels chevauchements territoriaux ont été pris en considération.
L’AEIC estime qu’il est plus probable qu’une entente de coadministration autorise une instance autochtone à prendre la décision définitive conjointement avec le décideur fédéral, plutôt qu’indépendamment. La façon dont cette autorité peut être partagé devrait être négocié. Par exemple, le partage de la détermination définitive pourrait faire en sorte que, dans l’éventualité où l’on déterminait un risque d’effets négatifs importants relevant d’un domaine de compétence fédérale, le décideur fédéral et l’instance autochtone devraient décider que ces effets sont justifiables par l’intérêt public pour que le projet puisse aller de l’avant. Bien que les ententes de coadministration soient censées être conclues à long terme et non pour un projet précis, elles pourraient être structurées de manière à ce que des rôles décisionnels précis, y compris le pouvoir de prendre la décision définitive, ne soient autorisés que dans des circonstances données. Par exemple, cela peut dépendre de la localisation et de l’ampleur du projet potentiel, et donc des répercussions potentielles sur d’autres groupes autochtones, ou de l’existence d’autres processus pour répondre à des intérêts fédéraux précis (p. ex., des processus réglementaires visant à protéger les valeurs environnementales dans le cadre de la compétence fédérale).
Le Cercle estime qu’il est important de distinguer le concept de consentement d’un groupe autochtone à un projet de celui de la prise de décisions définitives en vertu de la LEI. Il existe différentes définitions du consentement, et les titulaires de droits auront des points de vue différents sur la manière dont le consentement doit être mis en œuvre dans l’évaluation d’impact.
3.3 Commissions
Les évaluations d’impact peuvent être menées par une commission indépendante plutôt que par l’AEIC. S’il estime qu’il y va de l’intérêt public, le ministre peut renvoyer une évaluation à une commission. Cette détermination comprend la prise en considération des facteurs énoncés au paragraphe 36(2) de la LEI, tels que la mesure dans laquelle les effets relevant de la compétence fédérale ou les effets directs ou accessoires que le projet peut entraîner sont négatifs, les préoccupations du public liées à ces effets, et tout impact négatif sur les droits des Autochtones. En outre, lorsqu’une évaluation d’impact est requise pour un projet désigné qui est réglementé par un organisme de réglementation du cycle de vie, par exemple en vertu de la LEI sur la sûreté et la réglementation nucléaires ou de la LEI sur la Régie canadienne de l’énergie, le ministre doit soumettre l’étude à ce qui est communément appelé une commission intégrée. Dans un tel cas, l’évaluation d’impact intégrera, dans la mesure du possible, les exigences de ces lois dans le processus de la commission. Outre l’AEIC, les organismes de réglementation du cycle de vie, qui comprennent la Commission canadienne de sûreté nucléaire et la Régie de l’énergie du Canada, exercent des responsabilités spécifiques en ce qui concerne les commissions intégrées (et devraient participer à toute entente de coadministration qui vise à conférer des attributions concernant l’évaluation d’impact des projets désignés qu’elles réglementent).
Une commission est généralement composée de trois à cinq personnes qui doivent être impartiales et ne pas avoir de conflit d’intérêts par rapport au projet, et qui doivent avoir des connaissances ou une expérience en rapport avec le projet ou ses effets potentiels. Le ministre définit le mandat de la commission, et l’AEIC en nomme les membres.
Les renseignements qui doivent être inclus dans une évaluation d’impact par une commission sont les mêmes que pour une évaluation d’impact menée par l’AEIC, mais le processus est différent. Une fois mises en place, les commissions fonctionnent indépendamment du gouvernement. Le personnel de l’AEIC soutient le travail des commissions indépendantes en leur apportant un soutien technique, procédural et logistique par l’intermédiaire d’un secrétariat, mais le gouvernement du Canada ne peut ni diriger ni influencer le travail de la commission, si ce n’est en définissant son mandat.
Une commission tiendra des audiences publiques, et devra préparer un rapport pour le ministre décrivant les effets susceptibles d’être causés par le projet. Le rapport doit également comprendre le raisonnement, les conclusions et les recommandations de la commission, y compris les recommandations relatives aux mesures d’atténuation et aux exigences du programme de suivi. Pour les évaluations menées par une commission, le gouverneur en conseil (Cabinet) est chargé de prendre la décision définitive.
Le Cercle a constaté que certains pouvoirs liés aux commissions (y compris les commissions intégrées) seraient probablement plus intéressants pour les corps dirigeants autochtones en raison de l’étendue de l’influence et du pouvoir discrétionnaire concernés. Plus précisément, le Cercle était d’avis que, dans tous les cas où un projet serait situé sur des terres couvertes par une entente de coadministration, et où le ministre a le pouvoir discrétionnaire de soumettre un projet à une commission, la décision du ministre devrait être prise par l’instance autochtone ou conjointement avec cette instance. Le Cercle a également estimé que les instances autochtones auraient intérêt à ajouter des principes de valeur autochtone dans le développement et le fonctionnement des commissions et, en particulier, dans les pouvoirs de définir les modalités de référence et d’établir la composition des commissions. Le Cercle a également constaté que, comme dans le cas d’une évaluation menée par l’AEIC, une fois que la commission aura publié son rapport, les instances autochtones auraient intérêt à partager la décision définitive.
3.4 Collaboration et coordination avec d’autres processus d’évaluation
Le gouvernement du Canada s’est engagé à atteindre l’objectif « un projet, une évaluation » lors de l’examen des projets. Outre le fait qu’ils font l’objet d’une évaluation en vertu de la LEI, les projets peuvent également être examinés dans le cadre d’un régime provincial, territorial ou autochtone. Dans ces cas, l’AEIC vise à réduire les doubles emplois et à accroître l’efficacité et la certitude associées au processus en collaborant et en se coordonnant avec d’autres instances.
Collaboration entre les instances compétentes, projet par projet
Au cours de l’étape préparatoire du processus fédéral, l’AEIC propose de consulter d’autres instances (y compris les provinces et territoires, et les instances autochtones dotées de pouvoirs d’évaluation) sur les moyens de coopérer à l’évaluation et élaborer un plan de coopération pour l’évaluation.
La LEI prévoit plusieurs mécanismes de coopération avec d’autres instances, au cas par cas. Ils sont décrits dans le tableau/la figure qui suit, et de plus amples renseignements sont disponibles sur le site Web de l’AEIC : Évaluations d’impact collaboratives. (Les options suivantes sont disponibles dès maintenant pour les instances autochtones qui disposent de pouvoirs d’évaluation environnementale indiqués à l’article 2 de la LEI. Une fois en place, les ententes de coadministration seraient également accessibles aux corps dirigeants autochtones qui sont considérés comme des instances, parce qu’ils ont conclu des ententes de coadministration, sous réserve des exigences et des dispositions de chaque mécanisme.)
Tableau 1 : Mécanismes de collaboration dans le cadre de la LEI
Coordination des processus d’évaluation |
Les instances coordonnent les activités dans le cadre de leurs propres lois et processus, y compris, si possible, les échéanciers et les documents. Chaque instance prend sa propre décision définitive. |
Délégation de parties de l’évaluation (art. 29) |
Le gouvernement fédéral délègue certaines tâches du processus fédéral à toute personne, organisme ou instance, tout en demeurant responsable de l’ensemble du processus fédéral. Ce mécanisme n’est pas limité aux instances, et a été utilisé par des groupes autochtones. |
Création d’une commission d’examen conjoint (par. 39(1)) |
Les instances désignent conjointement les membres de la commission, et conviennent du mandat d’une commission indépendante chargée de réaliser une évaluation d’impact conforme aux exigences des lois des deux instances. Chaque instance prend sa propre décision définitive en se fondant sur le rapport d’évaluation d’impact de la commission. |
Substitution à un autre processus d’évaluation (par. 31(1)) |
Le gouvernement fédéral autorise que le processus d’évaluation d’une autre instance remplace le processus fédéral, sous réserve des exigences de la LEI. L’AEIC peut continuer à participer à la consultation de l’État avec les groupes autochtones, et élabore des projets de conditions potentielles pour la déclaration de décision fédérale. Chaque instance prend sa propre décision définitive en se fondant sur un rapport d’évaluation unique. (La décision du gouvernement fédéral est prise par le ministre ou le gouverneur en conseil.) |
La substitution permet au ministre de remplacer la réalisation d’une évaluation fédérale par celle d’une instance provinciale, territoriale ou autochtone lorsqu’il y a harmonisation avec les normes fédérales. Les demandes de substitution doivent être faites projet par projet, et la LEI exige que le public ait la possibilité de formuler des commentaires pour chaque demande. Depuis l’introduction de la substitution en 2012, la seule province pour laquelle le processus fédéral d’évaluation d’impact a été substitué est la Colombie-Britannique.
Lorsqu’il est proposé de substituer un processus d’évaluation provinciale au processus fédéral, l’AEIC invite le public et les groupes autochtones à lui faire part de leurs observations. Lorsque le projet est proposé sur des terres couvertes par une entente de coadministration autochtone, le Cercle estime que les instances autochtones doivent jouer un rôle dans la prise de décisions concernant la substitution. Le Cercle a fait remarquer qu’une instance autochtone peut avoir des opinions sur la substitution d’un projet, en fonction du contexte et des circonstances. Les lois et les politiques de la province, les points de vue et les intérêts de la communauté, ainsi que les relations entre le gouvernement provincial et le gouvernement autochtone sont autant d’éléments qui pourraient être pris en considération. Pour être clair, l’instance autochtone n’aurait un rôle dans la prise de décisions qu’en ce qui concerne une décision de substitution pour un projet proposé sur les terres spécifiées dans l’entente de coadministration.
Une évaluation peut également être substituée à une instance autochtone. Cette substitution ne s’est pas produite dans le cadre de la LEI, en partie parce qu’elle peut être une entreprise très gourmande en ressources, mais aussi parce qu’il y a actuellement peu de corps dirigeants autochtones qui sont considérés comme des instances en vertu de la LEI. Une fois les règlements mis en place, les corps dirigeants autochtones qui concluent des ententes de coadministration seraient considérés comme des instances, ce qui les rendrait indirectement admissibles à la substitution, à condition que leurs processus d’évaluation remplissent les conditions requises pour la substitution en vertu de la LEI. Pour certains groupes qui préfèreraient procéder à des évaluations dans le cadre de leurs propres processus, la substitution peut être plus intéressante que la coadministration. D’autre part, la substitution ne s’applique qu’à certaines parties du processus, et n’inclurait pas la prise de décision définitive.
Le Cercle a demandé que des travaux supplémentaires soient effectués pour préciser les conditions de la substitution aux instances autochtones, notamment pour savoir si le processus autochtone devrait être adopté dans le cadre de la législation interne de l’instance autochtone, et la manière dont il serait déterminé si le processus autochtone remplit les conditions de la substitution. Le Cercle souhaiterait que la souplesse permette d’offrir un éventail d’options de substitution en fonction de la préparation et de l’intérêt des instances autochtones.
Officialisation de la coopération
Une entente de coadministration autochtone est un exemple de coordination et de coopération à long terme spécifique aux instances autochtones. L’AEIC conclut également des ententes de collaboration avec les provinces et les territoires, dans le cadre de son engagement à faire progresser l’objectif « un projet, une évaluation », à réduire les doubles emplois, et à accroître l’efficacité. Ces ententes décrivent les mécanismes et l’approche qui seront utilisés pour coopérer lorsqu’une évaluation d’impact ou une évaluation environnementale est requise à la fois par le gouvernement fédéral et par une province ou un territoire. Le Canada et la Colombie-Britannique ont conclu une entente de collaboration en 2019.
Le Cercle a noté que l’harmonisation des processus d’évaluation fédéraux et provinciaux présente des avantages, mais qu’elle peut aussi poser des défis potentiels aux peuples autochtones, et que le gouvernement fédéral devrait continuer à s’engager avec les instances autochtones chaque fois qu’une entente de collaboration entre le Canada et une province ou un territoire est envisagée, afin de déterminer comment l’entente de collaboration s’harmoniserait avec les ententes de coadministration.
4. Cadre réglementaire et stratégique
Avant la signature d’ententes de coadministration avec les Autochtones, des règlements du gouverneur en conseil autorisant le ministre à conclure ces ententes doivent être mis en place. Bien que les règlements ne puissent pas obliger le ministre à conclure des ententes, ils peuvent inclure des facteurs que le ministre doit prendre en considération, ou dont il doit être convaincu avant de signer une entente.
L’AEIC et le Cercle conviennent que les règlements doivent être suffisamment souples pour permettre aux parties de négocier, de nation à nation, des ententes adaptées aux besoins et aux intérêts divers et évolutifs des titulaires de droits. En parallèle, il est convenu que les règlements doivent apporter des certitudes sur certaines questions importantes. Par exemple, les règlements pourraient exiger que le ministre soit convaincu de ce qui suit :
- Le corps dirigeant autochtone qui conclut l’entente est autorisé à représenter les titulaires de droits ancestraux aux fins de l’évaluation d’impact;
- Les pouvoirs en matière d’évaluation d’impact seront exercés de manière à répondre aux exigences de la LEI et à favoriser les éléments de la section « Objet » de la LEI (p. ex., établir des évaluations d’impact équitables, prévisibles et efficaces, et faire la promotion de la coopération avec les instances provinciales, territoriales et autochtones).
D’autres politiques seraient élaborées pour guider la mise en œuvre des règlements et pourraient préciser les facteurs que les règlements exigent que le ministre prenne en considération. Les politiques sont plus faciles à modifier que les règlements et peuvent être plus facilement mises à jour à mesure que nous acquérons de l’expérience avec les ententes de coadministration. Le Cercle a estimé que la politique devrait être élaborée conjointement et que la modification de la politique devrait faire l’objet d’une prise de décisions partagée. Le Cercle a également estimé que le gouvernement fédéral devrait veiller à ce que les corps dirigeants autochtones bénéficient d’un soutien financier pour négocier et mettre en œuvre les ententes de coadministration, et à ce qu’un soutien technique scientifique soit également disponible.
La politique pourrait inclure des critères pour guider la négociation de certaines attributions, et le processus pour évaluer si un corps dirigeant autochtone est admissible pour conclure une entente.
5. Ententes
Une entente de coadministration serait conclue entre le ministre et un corps dirigeant autochtone, ou entre le ministre et une autre entité admissible, telle qu’un conseil de cogestion (voir la section « Gouvernance » pour savoir qui est admissible à conclure une entente). Il s’agirait des parties à l’entente. Ensemble, elles négocieraient l’entente, et seraient responsables du respect des modalités de l’entente finalisée. Les modalités de l’entente ne s’appliqueraient qu’aux parties qui le signent, puisqu’il s’agit d’une consignation de ce qu’elles ont promis de faire. Une entente pourrait cependant avoir des répercussions pour d’autres personnes qui ne sont pas parties à l’entente. Le paragraphe 114(3) de la LEI exige que le ministre donne un avis public raisonnable et une possibilité raisonnable à quiconque de commenter les projets d’ententes, y compris les ententes de coadministration. Ainsi, les promoteurs, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les autres groupes et instances autochtones et le public auraient la possibilité de présenter leurs points de vue.
Qu’est-ce que cela signifie pour les provinces et les territoires où la LEI s’applique? Conformément à l’objectif « un projet, une évaluation » et à la section « Objet » de la LEI, le Canada continuerait à promouvoir la coopération entre toutes les instances habilitées à évaluer les effets d’un projet. Une entente de coadministration ne peut autoriser que les pouvoirs liés aux évaluations d’impact en vertu de la LEI. Une entente de coadministration ne modifierait ni la LEI ni la Loi constitutionnelle de 1982. Les lois provinciales et territoriales en matière d’évaluation environnementale continueraient à s’appliquer. |
5.1 Comment les ententes seraient-elles élaborées?
Approche de la négociation des attributions
Le Cercle et l’AEIC s’accordent à dire qu’il faut des critères ou des conditions pour soutenir la négociation des ententes de coadministration, d’une manière cohérente et transparente. Une politique claire permettrait à toutes les parties de savoir ce qu’elles attendent du processus, et de s’assurer qu’il est administré de manière cohérente. Comme cela a été indiqué précédemment dans le document, les ententes doivent être négociées de manière à respecter la section « Objet » de la LEI.
Les limites du présent, enracinées dans le passé colonial du Canada, ne devraient pas définir les limites de l’avenir [traduction].
Bien que le processus doive être prévisible, le Cercle recommande que l’approche de la négociation soit souple, en raison de la grande diversité des peuples autochtones et des contextes régionaux. Le Cercle recommande également de faire en sorte que les ententes puissent évoluer au fil du temps, à mesure que les corps dirigeants autochtones et l’AEIC acquièrent de l’expérience et renforcent leurs capacités. Cette approche permettrait de soutenir la croissance continue et le rétablissement de la gouvernance autochtone.
Préparation et admissibilité
Avant d’entamer des négociations, l’une des premières choses à prendre en considération est l’admissibilité. Comme cela a été indiqué précédemment dans la section « Gouvernance », pour être admissible à conclure une entente de coadministration, un corps dirigeant autochtone doit être autorisé à représenter un groupe de titulaires de droits ancestraux. La viabilité de la conclusion d’une entente de coadministration dépendrait également de considérations pratiques, notamment de la préparation des deux parties.
Le Cercle a recommandé que l’AEIC, en collaboration avec les Autochtones, établisse un processus clair et des directives pour évaluer l’admissibilité et la préparation d’un corps dirigeant autochtone en vue d’une entente de coadministration. Un processus devra également être mis en place pour déterminer les terres à inclure dans l’entente.
Le Cercle recommande un processus par lequel le corps dirigeant autochtone procéderait à sa propre évaluation de l’admissibilité et de la préparation, en s’appuyant sur l’expertise de l’AEIC au besoin, et qu’un organisme consultatif composé d’Autochtones pourrait être créé par l’AEIC afin de vérifier les autoévaluations et formuler des recommandations à l’AEIC et au ministre. L’objectif serait de concevoir un processus qui soutient au mieux l’autodétermination, et contribue à garantir la cohérence, la transparence et la mise en œuvre équitable des critères d’évaluation.
Processus
Figure 6 : Processus général d’élaboration d’une entente
Le Cercle et l’AEIC recommandent le processus général suivant pour l’élaboration d’une entente (voir figure 6). Tout au long de la procédure, la décision de passer à l’étape suivante nécessiterait l’accord des deux parties.
0. Autoévaluation :
Un groupe autochtone procède à une autoévaluation pour déterminer s’il est admissible et s’il dispose des capacités et des ressources nécessaires pour conclure une entente de coadministration. Il détermine le territoire sur lequel il cherche à exercer sa compétence en vertu de la LEI, en collaboration avec d’autres groupes autochtones, le cas échéant. Le Cercle suggère qu’une tierce partie dirigée par des Autochtones pourrait être constituée pour examiner l’autoévaluation et conseiller le groupe autochtone et le ministre sur l’admissibilité, la préparation et les terres. Cette tierce partie pourrait jouer un rôle tout au long du processus de négociation en évaluant la préparation à assumer certains pouvoirs.
1. Dialogue :
L’AEIC et le corps dirigeant autochtone discuteraient de leurs objectifs, de leurs exigences, de leurs priorités et de leur état de préparation en vue d’une éventuelle entente de coadministration. L’objectif serait de déterminer s’il convient de poursuivre les négociations en vue d’élaborer une entente, ou si une autre forme de collaboration serait plus appropriée.
2. Confirmation de l’intention et du processus :
À ce stade, les deux parties confirment leur intention d’entamer des négociations en se fondant une compréhension mutuelle des objectifs, et conviennent d’un processus d’élaboration de l’entente.
3. Avis publics et consultations :
Le Canada et le corps dirigeant autochtone publieraient un avis public sur leur intention de négocier une entente de coadministration, et consulteraient les Autochtones et les intervenants susceptibles d’être touchés.
4. Négociation d’une entente provisoire :
Des représentants du Canada et du corps dirigeant autochtone négocieraient les conditions, et élaboreraient une entente provisoire.
5. Consultation et commentaires du public :
L’entente provisoire serait mise en ligne, et les parties consulteraient les Autochtones et les intervenants pour déterminer les problèmes ou les préoccupations.
6. Finalisation de l’entente
Le Canada et le corps dirigeant autochtone travailleraient ensemble pour réviser le texte de l’entente au besoin, en se fondant sur des consultations. Les deux parties signeraient l’entente finale.
7. Mise en œuvre
Une entente entrerait en vigueur à la date spécifiée dans l’entente. La phase de mise en œuvre comprendrait la préparation et le renforcement des capacités, le cas échéant.
5.2 Contenu d’une entente de coadministration
Il y a des limites à ce qu’une entente de coadministration peut contenir ou ne peut pas contenir.
Tableau 2 : Ce qu’une entente de coadministration peut et ne peut pas faire
Une entente peut : |
Une entente ne peut pas : |
|
|
Pour répondre aux exigences de la LEI, l’entente de coadministration doit au minimum :
- Être signée par les représentants autorisés du corps dirigeant autochtone (ou de tout autre organisme admissible) et par le ministre;
- Spécifier les terres où l’entente s’applique;
- Préciser les attributions que le corps dirigeant autochtone est autorisé à exercer.
Le Cercle et l’AEIC conviennent qu’une entente pourrait également inclure des éléments ou des conditions pour soutenir les ententes de coadministration. Ces éléments pourraient comprendre ce qui suit :
- Principes directeurs pour la mise en œuvre;
- Références à des lois autochtones spécifiques et à des préceptes du savoir autochtone;
- Dispositions relatives à la portée de l’application (les types de projets auxquels l’entente s’appliquerait ou ne s’appliquerait pas et la marge de manœuvre dont disposerait un corps dirigeant autochtone pour choisir, projet par projet, d’exercer ou non ses pouvoirs);
- Dispositions relatives au moment et à la manière dont les attributions autorisées sont exercées ou exécutées;
- Protocoles de mise en œuvre, tels que la coordination entre les parties et avec d’autres instances au cours d’une évaluation, les délais, les résultats attendus, etc.;
- Dispositions de protection (voir ce qui suit);
- Cadre ou processus de prise de décision;
- Processus de résolution des litiges;
- Dispositions relatives à la confidentialité de certains aspects des négociations entre les parties (p. ex., protection des cartes communautaires des lieux sacrés qui peuvent avoir été mentionnées dans les négociations).
Dispositions de protection
La disposition de protection précise la manière dont les parties ont convenu de procéder au cas où l’une d’entre elles ne serait pas en mesure de s’acquitter de ses responsabilités (ou en cas de désaccord sur la question de savoir si les responsabilités sont assumées). Le Cercle et l’AEIC recommandent que des dispositions de protection soient établies pour garantir le respect des exigences prévues par la loi. Cette approche est importante pour garantir que le Canada continue d’avoir un régime de réglementation équitable et transparent, conforme aux lois fédérales et internationales, et pour protéger les intérêts de toutes les parties à l’entente. Les dispositions de protection sont en quelque sorte un filet de sécurité à n’utiliser qu’en dernier recours. En ce qui concerne les dispositions de protection spécifiques (y compris les exigences de transparence ou les règles concernant le moment où elles pourraient être utilisées), elles pourraient être incluses dans les règlements ou dans la politique, ou négociées à partir d’une entente individuelle, en fonction des attributions et du contexte spécifiques inclus dans une entente.
Annexes relatives à la mise en œuvre ou au projet
Une fois les ententes négociées entre les corps dirigeants autochtones et le ministre, il peut rester des détails administratifs à régler. Le Cercle et l’AEIC conviennent que les ententes ministérielles pourraient être de haut niveau et servir à définir les conditions générales. Elles préciseraient les terres sur lesquelles l’entente s’applique, les attributions liées à l’évaluation d’impact que l’instance autochtone peut exercer, et potentiellement d’autres dispositions. En outre, elles pourraient être étayées par des annexes contenant les détails administratifs nécessaires à la mise en œuvre de l’entente, tels que les processus et les procédures de collaboration.
Le fait de renvoyer certaines modalités à des annexes pourrait faciliter la négociation de l’entente de coadministration principale, étant donné qu’elle réduirait le niveau de détail qui devrait être défini dès le départ. Afin de soutenir l’objectif d’établir des processus d’évaluation d’impact clairs et prévisibles, il serait important que le Canada et le corps dirigeant autochtone établissent ces détails d’ordre plus administratifs et liés au processus le plus tôt possible, avant le début de l’évaluation d’impact.
6. Préparation
L’AEIC et le Cercle conviennent que l’administration du processus fédéral d’évaluation d’impact exige beaucoup de ressources. L’AEIC bénéficie d’un financement, de nombreux membres du personnel, d’une expertise organisationnelle et d’un accès à des experts en la matière dans d’autres ministères du gouvernement fédéral afin de réaliser des évaluations d’impact de haute qualité. Le Cercle reconnaît et respecte le fait que les corps dirigeants autochtones auront des niveaux variables de capacité et de préparation lorsqu’il s’agit d’assumer des rôles dans l’administration conjointe du processus, et que la capacité et la préparation seront des facteurs dont le corps dirigeant autochtone et l’AEIC devront tenir compte pour déterminer l’outil (occasion de collaboration ou entente de l’administration conjointe) qui conviendrait le mieux à chaque communauté.
6.1 Exigences en matière de capacité
En réfléchissant à ce qu’un corps dirigeant autochtone devrait avoir en place pour négocier des ententes et pour assumer des pouvoirs d’évaluation d’impact, le Cercle et l’AEIC ont déterminé les éléments suivants :
- Capacité technique, y compris l’expertise professionnelle et technique, les outils, les systèmes de gestion de l’information, le soutien administratif et les services de secrétariat, les besoins potentiels en matière de transport et les autres équipements, et les systèmes logistiques pour rassembler, stocker et partager les renseignements et le savoir nécessaires à l’évaluation d’impact, les systèmes de documentation, et les systèmes documentaires;
- Capacité de gouvernance, y compris un cadre de gestion et d’administration, un soutien juridique, la détermination des frontières où une entente pourrait s’appliquer, ainsi que des règles, des politiques, des procédures et une répartition des responsabilités dans l’exercice des attributions liées à l’évaluation d’impact. Ces processus autochtones pourraient avoir un objectif similaire à celui du Guide du praticien sur les évaluations d’impact fédérales de l’AEIC.
6.2 Ressources appropriées
Le Cercle estime qu’il sera important que l’AEIC collabore avec les communautés autochtones pour déterminer les lacunes en matière de préparation, et pour élaborer un cadre permettant de les combler à court et à long terme. Le Cercle recommande à l’AEIC de se doter de ressources suffisantes pour négocier les ententes de coadministration et exercer les attributions prévues dans ces ententes.
6.3 Options de soutien de la préparation
Le Cercle a défini certaines options pour combler les lacunes en matière de préparation afin de soutenir la mise en œuvre des ententes de coadministration :
- Le Cercle a suggéré que l’AEIC puisse faciliter l’accès aux ressources fédérales, y compris les scientifiques, les techniciens et les experts en la matière dans divers domaines liés à l’évaluation d’impact, ainsi qu’aux renseignements spécialisés offerts par les autorités fédérales.
- Les communautés ou organisations autochtones peuvent se regrouper pour exercer leurs attributions en collaboration. Les conseils tribaux ou les organisations ou coalitions autochtones régionales ou nationales peuvent également être en mesure d’apporter leur expertise et leurs ressources.
- Le financement fédéral pourrait contribuer au renforcement des capacités. Il s’agit généralement d’une stratégie à long terme visant à mettre en place des processus d’évaluation d’impact propres à la communauté, à former le personnel interne, à développer des outils et des systèmes, et à travailler avec d’autres communautés et organisations afin de déterminer les domaines de collaboration et d’aborder les chevauchements territoriaux.
- La capacité technique pourrait être renforcée grâce à des programmes de formation de l’AEIC ou d’autres organismes, à la participation ou à la collaboration avec l’AEIC sur les évaluations d’impact, à la réalisation d’évaluations d’impact menées par les Autochtones et à l’acquisition d’équipements tels que des systèmes d’information géographique.
- La capacité de gouvernance pourrait être renforcée par l’élaboration de protocoles de consultation, de politiques et de procédures internes, de matrices décisionnelles, de partenariats, par la rationalisation du processus décisionnel, par la clarification des rôles et responsabilités, et par la clarification des lois relatives à l’environnement.
- La détermination du territoire pourrait être favorisée par l’élaboration d’études sur l’utilisation des terres et de cartes territoriales, de protocoles avec d’autres nations sur les territoires communs ou qui se chevauchent, de traités modernes et d’ententes sur l’autonomie gouvernementale, et de forums tels que les tables des chefs ou les conseils tribaux.
- Le Cercle estime qu’il sera important de veiller à ce que les capacités nécessaires soient disponibles pour soutenir la participation d’une diversité des peuples autochtones, incluant des femmes, des filles, des bispirituels, des personnes trans et des personnes de diverses identités de genre.
Figure 7 : Quelques ressources potentielles pour la coadministration
7. Voies à suivre
Les ententes de coadministration constitueraient un nouvel outil facultatif pour le partenariat entre le Canada et les Autochtones au cours du processus fédéral d’évaluation d’impact. Ce document de travail donne un aperçu des considérations relatives à la mise en œuvre de ce nouvel outil et de la manière dont il pourrait être utilisé pour soutenir et faire progresser les partenariats entre le Canada et les Autochtones dans le domaine de l’évaluation d’impact. L’AEIC s’entretiendra avec les titulaires de droits et les partenaires, les provinces, les territoires, l’industrie et d’autres intervenants, sur la possibilité de conclure des ententes de coadministration dans le contexte plus large d’autres possibilités de partenariat avec les Autochtones en matière d’évaluation d’impact. Ces discussions seront consignées dans un rapport intitulé « Ce que nous avons entendu » qui sera publié et diffusé. Ce que nous apprenons servira à l’élaboration conjointe de propositions de règlements et de politiques, et aidera l’AEIC à déterminer et à établir les priorités parmi les travaux à réaliser à l’avenir, afin de s’assurer qu’elle répond au mieux aux besoins des communautés autochtones dans le cadre des évaluations d’impact.
7.1 Le point de vue du Cercle
Le Cercle estime que la coadministration peut être un outil efficace pour les corps dirigeants autochtones qui ont l’expérience de l’évaluation d’impact. La principale caractéristique d’une entente de coadministration est qu’elle peut conférer au corps dirigeant autochtone la même autorisation légale que l’organisme de réglementation fédéral pour prendre des décisions précises liées à une évaluation d’impact fédérale. Cela permettrait au corps dirigeant autochtone d’exercer un certain degré d’influence et de leadership dans la réalisation d’une évaluation d’impact qui, dans le cadre des lois canadiennes, a été largement inaccessible pour les gouvernements autochtones jusqu’à présent. Toutefois, le Cercle reconnaît que cette autorisation se limite au respect de la loi fédérale et de la conformité avec cette loi. Il en va autrement pour un corps dirigeant autochtone ayant l’autorisation de mener son propre processus d’évaluation en vertu du droit autochtone.
Le Cercle reconnaît que, même avec l’élargissement du potentiel de leadership proposé dans le concept de coadministration, la législation ne permet pas une relation complète de nation à nation, et continue de conférer au gouvernement du Canada des pouvoirs de décision qui respectent les droits inhérents des corps dirigeants autochtones tout en les niant. Ce qui est proposé est un pas en avant, mais il ne satisfait et ne respecte pas pleinement les responsabilités des gouvernements autochtones en tant que gardiens des terres et des ressources sur les territoires autochtones. Le cadre doit être souple et évolutif afin d’être viable en tant que voie vers la réalisation des objectifs de réconciliation et de décolonisation de la relation entre le gouvernement du Canada et les Autochtones. Le Cercle invite les corps dirigeants autochtones et le gouvernement du Canada à utiliser les possibilités offertes par cet outil pour mettre en place des ententes novatrices et souples qui favorisent le changement et contribuent à répondre aux besoins de la communauté. Ce que nous apprenons en ayant le courage d’innover et de remettre en question le statu quo aujourd’hui nous aidera à continuer d’améliorer et d’établir des relations constructives entre les Autochtones et la Couronne à l’avenir.
7.2 Une feuille de route pour l’AEIC
Pour l’instant, nous n’en sommes qu’au début de cette initiative. Il reste encore beaucoup à faire avant que des ententes de coadministration ne soient disponibles. Les travaux qui nous attendent comprennent l’élaboration de règlements, de politiques, d’orientations et de procédures pour guider le fonctionnement des ententes de coadministration.
Les ententes de coadministration ne seraient que l’un des mécanismes prévus par la LEI que l’AEIC utilise pour maximiser les partenariats avec les Autochtones, et il est admis que certains groupes autochtones pourraient préférer participer à l’évaluation d’impact par d’autres moyens. Le Cercle et l’AEIC soulignent donc que la négociation d’ententes de coadministration serait toujours facultative.
Les groupes autochtones continueraient à avoir la possibilité de collaborer ou de dialoguer avec l’AEIC un projet à la fois, sans avoir la responsabilité supplémentaire d’administrer conjointement le processus. En outre, l’existence de ce nouveau type d’entente n’empêcherait pas un groupe autochtone de procéder à une évaluation indépendante menée par des Autochtones en dehors du cadre de la LEI.
L’AEIC s’est engagée à étudier toutes les manières dont ces outils peuvent être utilisés pour renforcer le pouvoir et les autorités décisionnels des corps dirigeants autochtones en matière d’évaluation d’impact. L’objectif de l’AEIC est de maximiser le partenariat avec les Autochtones et le leadership autochtones en matière d’évaluation d’impact.
L’AEIC propose qu’une fois les règlements en place, une approche progressive soit adoptée pour la négociation et la mise en œuvre des ententes de coadministration. Nous apprendrons et nous nous adapterons ensemble à mesure que nous augmenterons le nombre d’ententes et le degré de partage de l’administration et de la prise de décisions au cours du processus d’évaluation d’impact.
Ce que nous apprendrons ensemble par le dialogue au cours de ce processus de mobilisation contribuera à déterminer comment l’AEIC procédera aux prochaines étapes de la mise à disposition de ces outils. Nous nous engageons dans un processus itératif, et nous reconnaissons que ni l’AEIC ni les groupes autochtones n’ont l’expérience de la mise en place du type de partenariats qui émergeront dans cette nouvelle ère. Nous nous engageons donc à prendre le temps nécessaire pour faire progresser ces travaux en collaboration avec les Autochtones, à demeurer souples dans nos réponses par rapport à ce que nous apprenons en cours de route, et à respecter le fait que tout ce qui résultera des travaux que nous effectuerons au cours de cette phase ne sera pas définitif, et demeurera modifiable afin de répondre aux besoins évolutifs des communautés autochtones.
Annexe A – Guide de discussion
Nous aimerions connaître votre avis sur les options et les considérations présentées dans ce document de travail. Votre contribution permettra d’éclairer les prochaines étapes de l’élaboration conjointe d’un cadre réglementaire et stratégique pour les ententes de coadministration avec les Autochtones en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact. Ce dialogue alimentera également d’autres politiques ou directives visant à maximiser le partenariat avec les Autochtones en matière d’évaluation d’impact qui ne nécessite pas d’entente de coadministration. L’objectif global est de réaliser des évaluations d’impact de grande qualité, tout en faisant la promotion de la coopération avec les Autochtones, en respectant les droits, et en garantissant la prise en considération du savoir autochtone.
Le Cercle d’experts et l’Agence d’évaluation d’impact du Canada ont élaboré les questions suivantes pour faciliter les discussions avec les Autochtones, l’industrie, les groupes environnementaux, les autres intervenants, et le public. Si certaines questions s’adressent à des peuples autochtones, la plupart sont d’ordre général. Les questions ne visent pas à fixer des limites; toutes les contributions et tous les points de vue sont les bienvenus.
Maximisation du partenariat avec les Autochtones dans l’évaluation d’impact
1. Pour les membres de groupes autochtones, comment une entente de coadministration pourrait-elle contribuer à renforcer le leadership en matière d’évaluation d’impact?
2. À l’inverse, l’une ou l’autre des options examinées dans le présent document risque-t-elle de limiter la capacité des peuples autochtones à assumer leurs responsabilités en matière de protection de l’environnement sur leurs territoires?
3. Pensez-vous qu’une approche globale du partenariat avec les peuples autochtones, comprenant des ententes de coadministration avec les Autochtones ainsi que d’autres possibilités de collaboration, constitue une voie viable à long terme pour les corps dirigeants autochtones en vue de mettre à jour leurs pouvoirs en matière d’évaluation d’impact?
4. Le fait d’assumer ou de partager la prise de décisions ou d’autres responsabilités liées à l’évaluation d’impact offre des possibilités, mais s’accompagne également de responsabilités et d’incidences juridiques potentielles. Il existe également de nombreuses possibilités, pour les groupes autochtones, de participer ou de s’associer à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada au cours des évaluations d’impact qui sont déjà disponibles, sans qu’une entente de coadministration ne soit nécessaire.
- Quelles sont les principales responsabilités ou décisions en matière d’évaluation d’impact que votre communauté souhaiterait assumer, ou dont elle souhaiterait partager la responsabilité dans le cadre d’une entente de coadministration?
- Quels sont les domaines clés dans lesquels vous estimez que votre communauté préfère collaborer avec l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, plutôt que d’assumer des responsabilités officielles, ou de prendre des décisions au cours des évaluations d’impact?
Renforcement des capacités et de la préparation
5. Pour les membres des communautés autochtones qui anticipent un intérêt pour les ententes de coadministration, considérez-vous qu’il s’agit d’un outil que vous pourriez utiliser immédiatement? Ou un objectif futur à atteindre? Dans votre réflexion, y a-t-il d’autres considérations relatives à la préparation qui n’ont pas été prises en considération dans le document?
6. Quelles sont les mesures qui pourraient contribuer à renforcer la préparation des corps dirigeants autochtones à négocier et à mettre en œuvre des ententes de coadministration?
Règlements et cadre stratégique
7. La mise en œuvre des ententes de coadministration nécessiterait à la fois un cadre stratégique et de réglementation. Les règlements sont des instruments juridiques, ils créent donc des exigences prévues par la loi, mais leurs modifications nécessitent un long processus. Bien qu’elle ne soit pas juridiquement contraignante, la politique peut généralement être élaborée et modifiée plus rapidement. Elle est donc plus souple et plus adaptable, même si le Cercle d’experts précise que la politique doit être élaborée conjointement, et que la modification de la politique doit faire l’objet d’une prise de décisions partagée. Outre le fait qu’il autorise le ministre de l’Environnement à conclure des ententes, le document propose que les règlements exigent la prise en considération de l’autorisation du corps dirigeant autochtone à représenter les titulaires de droits et de sa volonté d’exercer ses pouvoirs d’une manière conforme à la Loi sur l’évaluation d’impact. La politique pourrait orienter la négociation et la mise en œuvre des ententes, notamment en établissant des critères pour le partage de certains pouvoirs.
- Quels sont les types d’exigences prévues par la loi que vous envisagez d’inclure dans les règlements eux-mêmes?
- Quels types de critères ou de considérations conviennent mieux à un instrument politique plus souple, mais moins contraignant?
- La Loi sur l’évaluation d’impact ne permet de partager que les pouvoirs qui se situent entre l’étape préparatoire et la phase de prise de décision, à l’exception de la décision relative à la nécessité d’une évaluation d’impact (en vertu de l’article 16). D’autres pouvoirs, notamment en matière de suivi, de surveillance et d’exécution, sont exclus du cadre d’une entente de coadministration. Existe-t-il d’autres attributions liées à l’évaluation d’impact qu’il ne devrait pas être possible d’inclure dans une entente de coadministration?
Négociation des ententes
8. Pour vous, en tant que groupe, promoteur ou intervenant autochtone, le fait que des ententes officielles soient négociées avant les évaluations augmenterait-il la certitude à l’égard du processus?
9. Les ententes de coadministration doivent préciser les terres sur lesquelles elles s’appliquent. Sur les terres où il existe un historique d’utilisation et d’occupation partagées, il sera important de déterminer qui exerce quels pouvoirs sur ces terres, et comment les instances travailleront ensemble. Le document de travail présente des options pour résoudre ce problème : représentation conjointe par l’intermédiaire d’un conseil tribal ou d’une autre entité conjointe, conclusion d’une entente avec un seul corps dirigeant autochtone (avec consultation ou collaboration des autres), ou conclusion d’ententes avec plusieurs corps dirigeants autochtones sur des terres qui se chevauchent.
- Quelles options vous semblent les plus pertinentes pour gérer ce type de scénario?
- Que pourrait faire l’Agence d’évaluation d’impact du Canada pour soutenir les corps dirigeants autochtones qui souhaitent collaborer lors des évaluations?
- Avez-vous d’autres recommandations sur la gestion des processus d’évaluation d’impact dans des territoires qui se chevauchent?
10. Le Cercle propose la mise en place d’une tierce partie autochtone qui ferait des recommandations à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada et au ministre de l’Environnement sur l’admissibilité et la préparation d’un corps dirigeant autochtone pour exercer des pouvoirs précis en matière d’évaluation d’impact, et sur les terres pour lesquelles une entente de coadministration s’appliquerait.
- Considérez-vous qu’il s’agit d’un moyen raisonnable de garantir un processus équitable et transparent? Avez-vous d’autres suggestions pour garantir l’équité dans ce processus?
- Quel serait un rôle approprié pour une tierce partie autochtone au cours du processus de négociation?
Mise en œuvre des ententes
11. Avez-vous des idées sur la manière dont les instances fédérales, provinciales et autochtones pourraient collaborer efficacement au cours des processus d’évaluation d’impact?
12. Quels défis voyez-vous dans la mise en œuvre des ententes de coadministration? Avez-vous des suggestions sur la manière d’éviter ou de surmonter ces défis?
13. Comment l’Agence d’évaluation d’impact du Canada peut-elle collaborer avec les promoteurs et les autres participants à l’évaluation pour relever les défis et favoriser une mise en œuvre réussie des ententes de coadministration?
Prochaines étapes
14. Quelles devraient être les prochaines étapes pour travailler en consultation et en coopération avec les Autochtones afin de faire avancer ce travail et de maximiser, de manière générale, le partenariat avec les Autochtones?
Autre
15. N’hésitez pas à nous faire part de vos réactions ou suggestions.
Annexe B – Membres du Cercle d’experts
Taiaiake Alfred
Taiaiake Alfred est un philosophe et un consultant en gouvernance de la Première Nation des Mohawks de Kahnawà :ke. Diplômé en histoire de l’Université Concordia et titulaire d’un doctorat en sciences politiques de l’Université Cornell, il conseille les gouvernements et les organisations des Premières Nations depuis plus de 30 ans. Taiaiake est lauréat du prix national d’excellence décerné aux Autochtones et d’un prix Indspire et auteur de quatre célèbres ouvrages sur la gouvernance autochtone.
Walter Andreeff
Walter Andreeff vit dans la région 5 de la Métis Nation of Alberta (MNA), à Slave Lake. Il est un membre de la communauté MNA, un récolteur, et un chasseur. Il travaille actuellement pour la région 5 en tant que coordinateur des consultations. Il possède des connaissances et une expérience en matière d’évaluations de l’utilisation des terres menées par les Autochtones, ainsi qu’une connaissance des meilleures pratiques en matière de participation, de collaboration et de partenariat autochtones en matière d’évaluations environnementales et d’impact. Walter est titulaire d’un diplôme scientifique en géologie environnementale et il a travaillé avec des communautés autochtones de l’Alberta et de la Colombie-Britannique pendant de nombreuses années.
Aaron Bruce (Kelts’tkinem)
Aaron est membre de la Nation Squamish et pratique le droit depuis 2004, notamment en tant qu’associé de l’un des principaux cabinets d’avocats autochtones du Canada. Il a récemment créé son propre cabinet d’avocats, Aaron Bruce Law, qui continue de représenter les nations autochtones en matière de droits et de titres autochtones, de droit des ressources naturelles, et de questions de compétence et de gouvernance autochtones. Il a représenté les Premières Nations dans des litiges, des audiences réglementaires, et des négociations avec d’autres ordres de gouvernement et de l’industrie.
Gordon Grey
Gordon Grey est membre de la communauté Pilick the Wolastoqey de Kingsclear. Il est titulaire d’un diplôme en sciences occidentales de l’Université de la Colombie-Britannique en sciences de la terre, de la mer et de l’atmosphère. Son grand-père est Samaqan Wimpie Charles Solomon, un guérisseur. Gordon a passé sa jeunesse sur la terre. Il reconnaît l’importance de protéger la Première Nation Wolastoqey et les modes de vie autochtones, de maintenir le lien avec la terre, et des relations non humaines. Gordon travaille pour la Nation Wolastoqey du Nouveau-Brunswick (WNNB) en tant que gestionnaire des évaluations d’impact.
Nalaine Morin
Nalaine Morin est une professionnelle reconnue à l’échelle nationale qui possède une vaste expérience technique des processus d’évaluation minière et environnementale. Récemment, elle s’est jointe à l’équipe de direction de Skeena Resources Limited en tant que vice-présidente du développement durable. Elle fournit des services en matière d’examens techniques par des tiers, de négociations d’ententes sur les répercussions et les avantages, de mobilisation communautaire, et de gestion des ressources naturelles. En outre, elle est titulaire d’un baccalauréat en sciences appliquées de l’Université de la Colombie-Britannique et d’un diplôme en technologie du génie mécanique de l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique.
Stanley Oliver
Stanley Oliver est un Inuit adepte des activités de plein air et un bénévole bien connu dans tout le Labrador. Il possède plus de 35 ans d’expérience professionnelle et de connaissances dans le domaine des ressources naturelles, et a occupé des postes de direction et de gestion au sein du gouvernement du Nunatsiavut et de l’Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat. Stanley est titulaire d’un diplôme en ressources naturelles de l’Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador, est technicien agréé en ingénierie, et titulaire de plusieurs certificats en gouvernance et en administration autochtones. Il accorde de l’importance aux partenariats positifs de collaboration avec le gouvernement et les entreprises, tout en donnant la priorité aux préoccupations des citoyens. Il occupe actuellement le poste de gestionnaire du bureau autochtone de Trades NL.
Marci Riel
Marci Riel, qui possède plus de 20 ans d’expérience auprès des gouvernements et des sociétés d’État, est la directrice principale de la gestion de l’énergie, des infrastructures et des ressources à la Fédération Métisse du Manitoba, le gouvernement national des Métis de la rivière Rouge. À titre d’ancienne coprésidente autochtone du Comité autochtone de consultation et de surveillance pour le projet de la canalisation 3 et de représentante des Métis de la rivière Rouge au sein du Comité consultatif autochtone de la Régie de l’énergie du Canada, son rôle est de représenter au mieux les besoins des citoyens métis de la rivière Rouge et de s’assurer que l’on tient compte des répercussions des projets sur leurs droits, leurs revendications et leurs intérêts.
Pailin Chua-oon Rinfret
Pailin Chua-oon Rinfret est directrice de la Commission de la région marine d’Eeyou, responsable de l’évaluation des impacts environnementaux et socioéconomiques de tous les projets proposés dans la région marine d’Eeyou. Sa recherche en Nouvelle-Zélande a porté sur la qualité des rapports d’évaluation des impacts culturels et sur les différences de pratique entre ces évaluations dans les communautés autochtones et les autres formes d’évaluation d’impact. Elle se consacre à l’amélioration des évaluations d’impact en favorisant la participation des Autochtones, et en tenant compte de leurs valeurs, de leurs besoins, de leurs perspectives et de leurs aspirations.
Notes de bas de page
[i] Consulter le Renvoi relatif à la Loi sur l’évaluation d’impact – Jugements de la CSC (scc-csc.ca).
[ii] Auparavant, l’AEIC qualifiait ces ententes d’« ententes de collaboration », mais le Cercle d’experts et l’AIEC ont convenu que la coadministration décrivait mieux ce type d’entente.
[iii] Le corps dirigeant autochtone est défini dans la LEI comme un conseil, un gouvernement ou une autre entité autorisée à agir au nom d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtone qui détient des droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Constitution. Dans le présent document de travail, l’expression « corps dirigeant autochtone » est utilisée pour désigner les entités habilitées à conclure des ententes de coadministration. Le terme « instance autochtone » est utilisé pour décrire les entités qui sont considérées comme des instances au sens de la LEI (y compris les entités qui sont considérées comme des instances lorsqu’elles concluent des ententes de coadministration).
[iv] Le Règlement sur les activités concrètes décrit les activités physiques (qui peuvent inclure la construction, le fonctionnement, le déclassement et la fermeture) qui constituent des « projets désignés », lesquels sont assujettis à la LEI et peuvent nécessiter une étude d’impact.
[v] Le Canada a récemment publié la Politique collaborative de mise en œuvre des traités modernes du Canada afin de favoriser la mise en œuvre des traités modernes et des ententes d’autonomie gouvernementale.
[vi] La LEI ne s’applique pas dans certaines parties du nord du Canada, sauf dans des circonstances spécifiques. Les ententes de coadministration ne s’appliqueraient que là où la LEI s’applique.
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